La culture guinéenne est riche et variée, mais la plupart des artistes comédiens tirent le diable par la queue. Ils sont confrontés à des nombreuses difficultés dont la piraterie de leurs œuvres et le non accès aux droits d’auteur. C’est pour parler de tous ces problèmes qui assaillent la culture guinéenne que notre rédaction a reçu le président de la fédération nationale des comédiens de Guinée, Aboubacar Camara Alias Grand Devise.
Aboubacar Camara, pour commencer dites nous d’où vient votre surnom ?
GRAND DEVISE est un ensemble de mots en langue. GRAND signifie une grande chose, DE signifie le départ, VI signifie tu seras visé par tout le monde, voilà pourquoi je porte ce surnom Grand Devise.
Comment êtes-vous arrivé à la comédie ?
J’ai fais trois étapes dans ma carrière artistique. La première étape, j’ai fait le balai en 1979 quand j’étais en école Franco Arabe, pour la première fois que je suis monté sur scène pour la première fois le 14 mai 1988 ; c’était lors d’un événement du parti PDG RDA. En suite, j’ai intégré la troupe AKINOU AKEYA et après, suis venu dans la comédie Limanya dans laquelle j’évolue avec KABAKOUDOU.
Quelles sont les difficultés auxquelles la comédie guinéenne est confrontée ?
Nous rencontrons plusieurs difficultés, dont entre autre le problème de lieux pour le tournage de nos films, le manque de financement et de moyen de transport.
Nous avons fait plusieurs séminaires avec les artistes ghanéens et nigérians, et nous avons compris que ceux-ci ont l’aide de l’autorité en charge de la culture de leurs pays sur l’obtention des lieux pour le tournage. C’est la bonne qualité de l’image des films qui met la valeur sur un pays. Ici, on peut avoir des scénarios et des lieux et emprunter des maisons de tournage, mais il arrive qu’à la dernière minute le propriétaire te refuse. Et dans ce cas, tu es obligé de tourner dans les bidonvilles, cela ternit l’image du pays à l’extérieur. Si le ministère de la Culture nous venait en aide dans ce sens, j’espère que ce problème serait résolu et nous pourrions faire la fierté des téléspectateurs guinéens. Au temps du président Sékou Touré, les artistes ont contribué au payement de salaire des fonctionnaires. Aujourd’hui c’est grâce à KPC de GUICOPRESS, nous travaillons avec des caméras professionnelles.
Pour certains, si vos œuvres ne sont pas bien vendues à l’extérieur, c’est parce que vous ne vous exprimez pas en français. Que répondez-vous ?
Le cinéma, c’est l’image et non la langue. Un réalisateur allemand nous a dit que dans le cinéma, c’est les scénarios qui compte et non la langue. Si les scénarios sont bien faits, la langue peut être traduite. L’artiste doit s’exprimer dans la langue dans laquelle il se sent à l’aise.
Qu’en est-il de vos droits d’auteur ? Est-ce que les comédiens que vous êtes perçoivent quelque chose ?
D’abord avant de parler de droit et il faut que l’artiste connaisse d’abord son devoir. Après ça, il pourra enfin demander son droit. Nos artistes et comédiens doivent savoir qu’ils doivent déclarer leurs œuvres au BGDA. Ça, c’est le devoir de l’artiste et cela lui permettra de bénéficier du prix de ses œuvres.
Est-ce qu’aujourd’hui vous êtes reconnu par le BGDA ?
Personnellement moi, je suis reconnu par le BGDA, mais beaucoup d’artistes ne le sont pas. C’est pourquoi ma lutte aujourd’hui, c’est de les aider à être aussi reconnus par le BGDA. L’artiste doit comprendre une chose : Ça, c’est le devoir de l’artiste et cela lui permettra de bénéficier du prix de ses œuvres. En ce moment, comment tu pourras subvenir à tes besoins ? Donc c’est pourquoi il faut se battre au moment où tu es en mesure de faire tout, pour bénéficier de tes œuvres le jour où tu ne pourras pas avoir un contrat. Aujourd’hui il y a des artistes comme Demba Camara qui ne vit plus, mais sa famille bénéficie de son droit d’auteur. Pour l’artiste, le droit d’auteur est une pension.
Comment réagissez-vous face au phénomène de piraterie du cinéma guinéen ?
La piraterie des œuvres artistiques est devenue un sport national en Guinée. Tu peux faire aujourd’hui 500 CD et mettre sur le marché pour la vente. Mais à chaque fois que tu demandes l’évolution de la vente, on te dit que ça traîne toujours, alors que dans les familles, tes films sont regardés chaque jour. Pour mettre fin à ce fléau nous avons déposé une requête à la structure en charge de la défense de nos droits, qui à son tour est allé à l’hémicycle pour exposer le problème.
Est-ce qu’un contrat existe entre vous et les distributeurs d’image de Canal+ dans les quartiers ?
Nous n’avons aucun intérêt dans ça, il y a de cela 10 ans qu’ils le font. Mais après la mise en place de notre fédération, nous avons porté plainte contre ces gens auprès du BGDA, c’est ainsi qu’ils ont été interpellés par la structure et ils ont reconnu leur fait. Il leur a été ordonné d’arrêter la diffusion de nos artistes sur leur canal. Nous nous sommes une fois retrouvés pour discuter de leur sort, et c’est là qu’ils ont demandé au ministère de la Culture d’intervenir pour trouver un terrain d’entente entre nous, mais le département de la culture, le BGDA et les diffuseurs sont jusque-là en discutions pour trouver une solution.
Quel projet tiens à cœur le président de la fédération des comédiens guinéens que vous êtes ?
C’est d’abord la sensibilisation. Parce que nombreux sont aujourd’hui ce qui réclament leurs droits, alors qu’ils n’ont pas de droit d’auteur, pourquoi ? Parce que tu ne peux pas plagier les œuvres d’un artiste et demander par suite ton droit, c’est impossible. En suite, mon objectif est de faire que les comédiens aient une assurance santé pour le bonheur de tous et de toutes. Dans notre pays, les artistes tombent malades et non aucun soutien, ils finissent par mourir par faute de soins. Sur ce, depuis qu’on a mis cette fédération en place, nous sommes parvenues à assuré la santé de plus de 52 artistes comédiens. Et c’est grâce à la subvention du chef de l’Etat.
Grand Devise, que promettez-vous à vos fans les prochains jours ?
Bientôt, nous mettrons sur le marché de nouveau film pour le bonheur de tous nos fans. Ce temps de silence pour nous, ne signifie l’abandon, mais nous donnons la chance aux autres jeunes comédiens de briller. Dans les jours à venir, nous enchaînerons la sortie de nos films successivement.