Des officiers ont démenti ce mercredi matin 15 novembre à la télévision publique qu’un coup d’Etat soit en cours au Zimbabwe. Plus tôt, des militaires avaient pris possession du siège de la radiotélévision publique ZBC. Plusieurs bâtiments officiels sont sous le contrôle de l’armée qui déclare avoir procédé à des arrestations dont celle du ministre des Finances, Ignatius Chombo, un proche de Grace Mugabe. Selon le chef d’Etat sud-africain Jacob Zuma, le président Robert Lugabe serait confiné chez lui.

L’essentiel :

► Des soldats ont pris le contrôle de la radio télévision et de plusieurs bâtiments publics et officiels dans la nuit.

► D’après la présidence sud-africaine, Robert Mugabe a déclaré à Jacob Zuma, avec qui il s’est entretenu au téléphone, qu’il était sain et sauf mais confiné chez lui.

► Dans une déclaration à la radiotélévision nationale, le général Sibusiso Moyo nie que cette opération soit un coup d’Etat et assure qu’elle vise les seuls « criminels » dans l’entourage du président Robert Mugabe.

► Plusieurs personnalités dont le ministre des Finances, Ignatius Chombo, ont été arrêtées.

Tout a commencé aux toutes premières heures ce mercredi, des témoins faisant état de plusieurs explosions dans la capitale zimbabwéenne Harare et de soldats au siège de la radiotélévision publique ZBC. La confusion a régné pendant quelques heures.

« Ce n’est un coup d’Etat », assurent les militaires

Aux alentours de 4h du matin, dans une adresse lue à la télévision publique, le général Sibusio Moyo, a démenti qu’un coup d’Etat soit en cours au Zimbabwe. Ce n’est pas « un coup d’Etat militaire », a-t-il assuré. Il prévient que les militaires ne visent « que les criminels » de l’entourage du président Mugabe en vue de les poursuivre en justice.

Il s’adresse ensuite aux fonctionnaires : « Comme vous le savez , il y a un plan des mêmes individus pour jouer un rôle dans la purge qui se déroule actuellement au sein de la Zanu-PF et de l’administration. Nous nous opposons à cette injustice et nous avons l’intention de protéger chacun d’entre vous contre cela ».

Le général dit ensuite vouloir faire en sorte que la justice puisse s’exercer de manière indépendante sans obstruction de la part de ces « mêmes individus ».
Il s’adresse également aux membres du Parlement : « Votre rôle législatif est d’une importance primordiale pour la paix et la stabilité de ce pays et nous souhaitons qu’une dérogation vous permette de servir vos circonscriptions respectives selon des principes démocratiques ».

Enfin, le général Moyo demande aux Zimbabwéens de rester calmes et de limiter leurs déplacements inutiles tout en encourageant « ceux qui ont un emploi ou qui ont des affaires essentielles dans la ville » à poursuivre leurs activités habituelles.

« Notre souhait est que vous jouissiez de vos droits et libertés et que nous ramenions notre pays à une situation qui permette l’investissement, le développement et la prospérité pour lesquels nous nous sommes tous battus, et pour lesquels bon nombre de nos concitoyens ont fait le sacrifice suprême », conclut le militaire.

Le militaire assure que Robert Mugabe et sa famille étaient sains et saufs, alors que peu avant, l’AFP, citant un témoin, avait rapporté des échanges de tirs nourris près de sa résidence privée. « Dès que notre mission sera accomplie, nous nous attendons à ce que la situation retourne à la normale », a aussi déclaré le général Moyo qui lisait le message.

Un certain nombre de responsables auraient déjà été arrêtées, y compris des ministres, et le directeur national de la police.

L’entourage de Grace Mugabe visé ?

Pas un coup d’Etat mais tous les ingrédients sont là. Selon l’agence Reuters, l’armée bloque l’accès aux bâtiments officiels (ministères, Parlement, tribunaux) et plusieurs personnalités, dont le ministre des Finances, Ignatius Chombo, seraient détenues par les militaires. Ce dernier serait un représentant de la « Génération 40 » (G40), une frange plus jeune de membres du parti au pouvoir Zanu-PF, emmenée par la femme du président, Grace Mugabe, qui occupe une place importante dans les cercles du pouvoir et entend succéder à son mari à la présidence.

Tensions au Zimbabwe où les militaires ont pris le contrôle de bâtiments officiels et de la radio-télévision: décryptage de Liesl Louw-Vaudran

Robert Mugabe confiné chez lui, selon Jacob Zuma

D’après un communiqué de la présidence sud-africaine, Robert Mugabe a déclaré à Jacob Zuma, avec qui il s’est entretenu au téléphone, qu’il était sain et sauf mais confiné chez lui.

Le président sud-africain s’est par ailleurs prononcé contre tout changement de régime « inconstitutionnel » au Zimbabwe. « Très préoccupé », Jacob Zuma a « exprimé l’espoir que les développements au Zimbabwe n’amènent pas un changement inconstitutionnel de gouvernement », a déclaré la présidence sud-africaine dans un communiqué.

Fidèle soutien de Robert Mugabe, le chef d’Etat sud-africain a également exhorté les autorités et l’armée du pays à « résoudre amicalement l’impasse politique » actuelle et prié les forces de défense zimbabwéenne « de faire en sorte que la paix et la sécurité dans le pays ne soient pas compromis ».

La Communauté de développement d’Afrique australe (SADC) reste « prête à aider là où c’est nécessaire », a également souligné la présidence sud-africaine.

L’Union européenne s’est dite préoccupée par la situation au Zimbabwe et a appelé au « dialogue en vue d’une résolution pacifique », par la voix d’une porte-parole des services extérieurs de l’UE, Catherine Ray. « Nous appelons toutes les parties concernées à passer de la confrontation au dialogue avec pour objectif une résolution pacifique ».

L’ambassade américaine appelle à rester « à l’abri »

Dans un communiqué, l’ambassade des Etats-Unis a été la première à réagir, tôt mercredi matin, recommandant à ses ressortissants « de rester à l’abri chez eux jusqu’à nouvel ordre ». Elle a également diffusé un message sur son compte Twitter : « En raison d’une situation incertaine au Zimbabwe, les effectifs de l’ambassade américaine à Harare seront réduits et elle sera fermée au public le 15 novembre. Le personnel de l’ambassade continuera de suivre la situation de près. »

« Désir de changement »

Une habitante de Harare confie au micro de RFI que, sur place, « la situation est très calme ce matin ». « Certains magasins sont ouverts, l’armée garde quelques bâtiments stratégiques dans la ville. Mais sinon, la ville est comme d’habitude, très calme, tout est normal. Les gens sont déjà partis au travail, ils sont en ville, il y a les transports. C’est un peu plus calme que la normale, mais il n’y a pas de problème ».

« Pour le moment, on ne sait pas ce qui se passe, explique-t-elle. Il y a le communiqué de l’armée mais on ne sait pas ce qui se passe. Il y a toujours des rumeurs – qui est arrêté, qui est parti – mais on ne sait pas. La population attend. Les gendarmes ont dit ce matin qu’ils allaient communiquer avec la population cet après-midi, pour les informer et les calmer ».

Concernant l’atmosphère générale, cette habitante explique qu’au-delà de l’incertitude, le désir de voir les choses changer est bien présent. « La population est tellement fatiguée, elle veut du changement. Sur les médias sociaux, il y a des messages d’espoir, de joie. Je crois que tout le monde est prêt maintenant pour le changement. Mais peut-être que le problème, c’est qu’ils sont tellement fatigués que même un petit changement est le bienvenu ».

Mise en garde du chef des armées

Ces incidents interviennent dans un contexte de forte tension. Mardi, des chars de l’armée avaient été signalés aux abords de la capitale zimbabwéenne, alimentant les rumeurs de coup d’Etat. Des rumeurs démenties, notamment par la Zanu-PF, le parti présidentiel, sur Twitter.

Des rumeurs également réfutées par l’ambassadeur du Zimbabwe en Afrique du Sud, qui a assuré que le gouvernement du président Mugabe était « intact ».

Mardi 14 novembre, la Zanu-PF avait accusé le chef des armées, Constantino Chiwenga, de « conduite relevant de la trahison ». La veille, ce général avait donné une conférence de presse lors de laquelle il avait menacé Robert Mugabe « d’intervenir » s’il ne mettait pas fin à la purge en cours au sein du parti présidentiel. La Zanu-PF a également assuré qu’elle ne céderait jamais aux pressions de l’armée.

Le général Constantino Chiwenga commandant Forces de défense (ZDF) au centre droite et à sa gauche le lieutenant-général Valerio Sibanda commandant de l’armée nationale du Zimbabwe (ZNA), lors d’une conférence de presse à Harare, le 13 novembre 2017. © Jekesai NJIKIZANA / AFP

La semaine dernière, le président Robert Mugabe avait limogé son vice-président Emmerson Mnangagwa, longtemps considéré comme son dauphin, pour « déloyauté ». Une éviction qui laisse la voie libre à Grace Mugabe pour prendre sa place ou succéder à son mari. A 93 ans, Robert Mugabe, qui fait face à des critiques concernant la situation économique de son pays, a été investi par son parti pour la présidentielle de 2018.

RFI