Pour commémorer les 47 ans de la pendaison de 90 Guinéens à travers tout le pays le 25 janvier 1971, l’Association des victimes du camp Boiro a battu le pavé ce jeudi du 25 janvier 2018 du pont 8 novembre au camp Boiro, l’actuel camp Camayenne, situé dans la commune de Dixinn.
C’est le dépôt d’une herbe de fleure qui a annoncé les couleurs de la cérémonie. En suite, les membres de l’association ont livré un discours par la voix de son porte-parole. Dans sa déclaration, Mohamed Kapi Camara a dénoncé « les exactions » perpétrées par le régime de Sékou Touré.
« La commémoration de cette date du 25 janvier 1971 est aujourd’hui devenu un rituel solennel qui nous l’espérons vivement servira de point de départ pour le devoir de mémoire de notre pays, hélas plombé le silence coupable et son funeste cortège de non-dits volontairement entretenu.
Bien pire, des insultes, des déclarations mensongères, des tentatives hebdomadaires de falsification de l’histoire par le mensonge portant gravement atteinte à la dignité de nos illustres disparus et de leurs familles, continuent d’être proférées par certains thuriféraires non reconvertis du régime du sinistre Sékou Touré.
Avec une volonté, manifeste, une volonté affichée de continuer à piétiner les corps des victimes, sans crainte aucune de l’application des lois en vigueur, des radios nostalgiques d’un passé triste et abhorré, des radios faisant fi de toute déontologie de leur métier, des radios avec leur émission de déni de la vérité historique en sont la parfaite illustration. Nous enregistrons, repérons et archivons méthodiquement ces coups de couteau hebdomadaires assénés dans nos plaies non cicatrisées. Quand le temps en sera venu, en dignes fils du pays et fiers héritiers des Guinéens de toutes extractions assassinées de manière extra-judiciaire, au mépris des lois en vigueur, nous saisirons qui de droit, les instances compétentes en la matière pour réclamer, obtenir justice et réparation, déclare-t-il avant de poursuivre : c’est dans le souci d’éviter dorénavant à notre pays toutes violations des droits humains que nous victimes et enfants des victimes, avons entrepris dans notre programme d’action d’institutionnaliser des cérémonies commémoratives de quelques importantes dates historiques des massacres ignobles, déshumanisants perpétrés par l’Ancien Régime, le régime de la terreur. Ce sont : le 25 janvier 1971, journée nationale des pendaisons, le 31 juillet 1971, Exécution par fusillades en série de militaires, officiers, sous-officiers et hommes de rang ; les 17 et 18 octobre 1971, Exécution par fusillades massives de civils, hauts fonctionnaires de l’administration et autorités politiques. Ces différentes cérémonies de recueillement ont pour objectif essentiel de rappeler à la nation guinéenne cette « Mémoire collective » et « le devoir de Mémoire » pour qu’il n’y ait « Plus Jamais ça », car, toute nation qui oublie son passé a tendance à répéter ses erreurs dont des crimes odieux. C’est donc, avec la main tendue à toutes les couches sociales de cette nation, sans distinction aucune, pour nous accompagner pour exhorter les autorités compétentes à, enfin réhabiliter de façon solennelle et digne nos chers disparus et rescapés, dont l’actuel Président Alpha Condé condamné à mort par contumace en 1971. Nous rendons un hommage particulier aux épouses des victimes, qui ont préservé, grâce à leur combat dans le silence et la persévérance les enfants, ici présents en nombre, en les soignant et en les éduquant dans la dignité souvent grâce au soutien matériel et moral inestimable des rescapés, des compagnons des jours sombres de leurs pères restés fidèles à la famille malgré les immenses risques encourus, parfois au prix de leur vie », a affirmé l’ancien ministre et porte-parole de l’association.
La personne qui a plus marqué l’assistance à cette commémoration était Madjou Diallo ; affaibli, pouvait à peine marcher, les séquelles de la torture subit lorsqu’il était enfermé au camp illustraient son témoignage émouvant. À seulement 19 ans, il s’est vu jeter en prison sans véritable raison dit-il.
« Moi-même je me pose des fois la question, je n’avais rien fait. Des faux complots ont été organisés et je me suis retrouvé dans la prison ici au camp Boiro. Je ne commande plus mes oreilles et ma partie génitale aussi avait été branchée au courant électrique. Je ne peux plus avoir d’enfant, j’entends mal et je vois mal. Je suis abandonné à ma misère sans aide.»
À signaler qu’aucun membre du gouvernement n’a pris part à cette commémoration, est-ce une occupation gouvernementale ou un semblant d’oublie de l’histoire de leurs parts ? La question était sur toutes les lèvres pendant tout le parcours.
Arrivées dans l’enceinte du dit camp considéré par les victimes comme camp de concentration par ces victimes à l’époque des faits, des prières et bénédictions ont été dites à la mémoire des disparus et un dépôt de fleur a mis fin à la cérémonie.