L’opinion nationale et internationale découvre avec stupeur la nature véritable de celui qui est pour le moment le Président de l’UFDG, Cellou Dalein DIALLO. Pourvue d’une forte minorité à l’Assemblée Nationale l’UFDG est le principal parti de l’opposition parlementaire. En novembre 2014 lors de la visite officielle du Président Hollande en Guinée, le Chef de l’Exécutif guinéen annonce l’adoption prochaine du statut de chef de file de l’opposition pour le Président de l’UFDG. A ce moment, cette initiative a été saluée comme étant une volonté de décrisper les relations entre le pouvoir et son opposition. En effet les années de 2012 à 2013 ont été calamiteuses car endeuillées par de sempiternelles manifestations de rue à l’initiative des dirigeants de l’opposition. L’année 2014 a été de son côté dramatique du fait de la persistance de l’épidémie de la fièvre hémorragique Ebola. Dans ce contexte il était louable d’envisager de faire évolué positivement les rapports entre le Chef de l’Etat et le Président du principal parti de l’opposition. Toutefois les récentes révélations de l’octroi d’un budget faramineux à l’institution « chef de file de l’opposition » de l’ordre de 17 millions de GNF/jour soit 50.000 euros/mois s’avère être un scandale politique et moral.
Ce statut est-il conforme avec la constitution
Beaucoup de pays francophones ont adopté ce statut de chef de file de l’opposition en s’inspirant du modèle anglo-saxon qui est par essence parlementaire. Ce type de régime est marqué par le fait que le chef de gouvernement ou Premier Ministre est nécessairement issu de la majorité siégeant au parlement. La durée de vie d’une équipe gouvernementale est très souvent sujette aux aléas des conjonctures politiques. Ainsi, pour assurer la permanence et la continuité de l’Etat le chef de la minorité au parlement est « un premier ministre en attente » et donc doit être informé des dossiers concernant la vie nationale. Il lui est alors conféré le statut de chef de file de l’opposition et il met alors en place un « shadow cabinet » c’est-à-dire un gouvernement de l’ombre qui suit en parallèle les activités du gouvernement en situation de responsabilité. Dans ce contexte, les alternances au pouvoir se font sans heurts et confortent la solidité des institutions.
En Guinée, le régime politique est de type présidentialiste. Le Chef du gouvernement n’engage sa responsabilité que devant le Président de la République. En conséquence l’adoption du statut de chef de file de l’opposition ne se justifie pas au regard de la nature présidentialiste du régime politique.
Ce statut conforte t’il la gouvernance démocratique ou pas !
Il n’est pas besoin d’avoir un statut de chef de file de l’opposition pour le Président de la République pour inviter régulièrement les chefs de son opposition politique à des entretiens réguliers pour les informer de la situation du pays et recueillir également leurs points de vue. C’est une question de bonne volonté, d’ouverture et de respect mutuel. Le cas français en est une parfaite illustration. En effet Le Président François Hollande a convié tous les chefs de partis représentés au parlement à des entretiens lorsque la France a été endeuillée par les attentats terroristes.
La récente affaire du budget alloué au chef de file de l’opposition pose quant à elle, de multiples problèmes :
· Ce statut a permis à Cellou Dalein Diallo de « décréter » qui est de l’opposition et qui ne l’est pas. Le collectif des partis dit « opposition républicaine » est elle la seule et légitime expression de l’opposition en Guinée. La réponse est évidemment non. Ainsi la pratique autocratique de gouvernance dont il est coutumier a amené des mesures d’exclusions des partis qui ont exprimé des points de vue divergents. C’est le cas avec l’UFR de Sydia Touré et le Bloc Libéral. Tout ceci amène insidieusement à la négation de la charte des partis politiques en Guinée et restreint également l’expression démocratique des courants d’idée qui parcourent notre société.
· Au Mali, le Chef de file de l’opposition M. Soumaïla Cissé a des avantages similaires à ceux alloués au 1er Vice-Président de l’Assemblée Nationale (fonctionnement d’un cabinet). Dans ce cas-ci la puissance publique a bien encadré l’utilisation des fonds. Ce qui est loin d’être le cas chez nous, où un chèque en blanc est donné à Cellou Dalein Diallo qui dispose d’une allocation journalière de 17 millions de GNF qu’il utilise à sa guise . Dans les faits, cette pratique s’apparente à un abus de biens sociaux et est pénalement condamnable. Comment évoquer la bonne gouvernance et fustiger à longueur de journée les « marchés gré à gré » si soi-même bénéficie de manière inconsidérée des mannes de l’argent des contribuables guinéens sans aucune transparence sur l’affectation des fonds publics. Pire, il va jusqu’à confondre l’institution « chef de file de l’opposition » avec sa personne physique.
· Les sociologues caractérisent les Etats africains, «d’Etats néo-patrimoniaux » où la classe politique s’illustre par la « politique du ventre ». Dans un tel système, la captation des ressources publiques pour satisfaire notamment des intérêts privés et claniques est la principale cause de la mal-gouvernance et de la pauvreté endémique des populations. L’allocation au chef de file de l’opposition en l’absence d’un cadrage législatif correctement conçu renforce ainsi les dérives de l’Etat néo-patrimonial. La course vers l’enrichissement illicite est ainsi légitimé où la politique devient le moyen par excellence pour s’enrichir en toute impunité en siphonnant les biens publics. Se servir au lieu de servir trouve sa justification par l’attitude de notre chef de file de l’opposition.
· Cette situation cocasse révèle à l’opinion nationale, la véritable logique politique de Cellou Dalein. Foin des déclarations mielleuses de bonne gouvernance, du respect de l’Etat de droit ou de la justice sociale, ce qui lui importe c’est de s’enrichir au delà de toute mesure en usant de sa position. Sa gestion opaque du patrimoine de l’UFDG , un narcissisme exacerbé pour ramener « tout » à sa personne , un mépris pour le respect des principes de transparence et un adepte de la culte de personnalité ont trouvé un terreau fertile de part sa position du président du principal politique guinéen. Cette situation constitue un véritable danger aussi bien pour la survie de l’UFDG que pour la stabilité et la démocratie dans notre pays.
· Que dire des plusieurs centaines de victimes qui sont enregistrées dans les livres de l’UFDG qui pour la grande majorité d’entre eux croupissent dans une misère noire, abandonnées et recroquevillées dans la solitude ! En oubliant la longue liste des victimes et de leurs ayants droits le Président de l’UFDG a encore manqué à son devoir que sa charge lui impose : protéger ses militants, les secourir tout en veillant à sauvegarder la réputation et l’image de l’institution UFDG. Les militants doivent en tirer toutes les conséquences politiques dans les meilleurs délais.
En conclusion
La lutte contre la corruption est une nécessité vitale pour reconstruire la confiance des guinéens et du monde extérieur à l’égard de la Guinée. Cet épisode des avantages alloués à Cellou Dalein Diallo indique que la bonne gouvernance, la lutte contre la corruption et la restauration d’une image positive de la Guinée et de ses institutions interpelle tous les citoyens. L’avancée démocratique exige des hommes et des femmes politiques d’être propres, vertueux et soucieux du respect du patrimoine public.
La rénovation de l’action politique dans notre pays s’articule principalement autour de la réelle compréhension que la construction nationale passe par l’existence de contre-pouvoirs efficaces, responsables et constructifs. Par la publicité autour de cette affaire, la conscience citoyenne avec ses exigences éthiques est en train de faire son chemin lentement mais sûrement.
Bah Oury