L’organisation internationale Reporters Sans Frontières (RSF), vient de publier son rapport 2019 sur la liberté de la presse. Et, sans surprise, la Guinée, qui avait perdu des points l’an passé, en perd encore trois cette année. Sur les 180 pays concernés par le rapport, notre pays occupe la 107e place. RSF justifie ce classement par le fait qu’en Guinée, le régime du président Alpha Condé n’est pas tendre envers la presse.

Rencontré par Guinée diversité.com sur cette actualité qui touche les hommes de médias en Guinée, l’ancien ministre de la communication et journaliste de profession Boubacar Yacine Diallo nous a accordé un entretien exclusif à ce sujet.

Guinéediversité.com: pensez-vous que ce classement 2018 reflète la réalité en Guinée ?

Boubacar Yacine Diallo : Dans les conditions normales le classement de reporter Sans Frontière doit être la photographie de la situation de la liberté de la presse ou moment où l’évaluation se fait et c’est là où certaines commettent beaucoup d’erreur, l’évaluation se fait pendant une période. Le rapport est consolidé et c’est en ce moment-là qu’il est publié. Donc, il arrive souvent que le rapport soit publié au moment où la liberté de la presse se porte bien alors que c’est la période précédente qui a été visée. Et la deuxième observation, c’est une évaluation de la situation des droits de l’homme au moment où je le disais et cela se fait. Les avis sont partagés ; il y a ceux qui pensent que ce classement reflète la réalité et d’autres qui pensent que ce classement ne le reflète pas. J’ai envie de dire que c’est un classement de reporter sans frontières ; il faut en tirer toutes les conséquences.

Guinéediversité.com: cela fait deux ans consécutivement que la Guinée recule dans ce classement en plus de trois points, quelle analyse faites-vous ?

Boubacar Yacine Diallo : Oui ça veut dire que selon reporter Sans Frontière la Guinée doit encore faire des progrès. Parce que ce qui est paradoxal il y a des pays qui sont bien classés par rapport à la Guinée où par exemple la dépénalisation n’est pas obtenue. Il est vrai que reporter Sans Frontière est plus contraignant vis-à-vis des États qui ont pris des engagements et qui ne les respectent pas. Par exemple reporter Sans Frontière ne peut pas pardonner à un pays de mettre un journaliste en prison lorsque le régime de la dépénalisation est en vigueur et c’est le cas de la Guinée. Un pays où la dépénalisation n’est pas obtenue Reporter Sans Frontière n’insiste pas trop parce que c’est du domaine de la loi de ce pays-là, c’est un exemple pour illustrer. Donc, la Guinée  a stagné parce que l’année dernière elle a perdu trois points et cette année encore elle perd trois points, toujours est-il qu’il faut éviter de perdre des points parce que c’est aussi des critères d’évaluation de la démocratie et de l’État de droit.

Guinéediversité.com : Reporter Sans Frontière motive également cela par l’annulation de l’accréditation d’un correspondant de médias étranger. Est-ce une des raisons ?

Boubacar Yacine Diallo : Vous savez que dans chaque rapport on sort quelques éléments illustratifs mais qui se rapportent plus à l’actualité. Mais il y a beaucoup d’autres critères qui rentrent en jeu lorsqu’on évalue l’état de la liberté de la presse. Mais pour chaque pays reporter Sans Frontière prend les derniers développements. Et c’est comme ça ils ont cité le journaliste qui a été détenu pendant deux semaines sous un régime de dépénalisation. Ensuite, le retrait de la carte de correspondance du correspondant de RFI et puis, même ils ont évoqué pas de manière explicite, même le cas de Lansana Camara vous voyez les photos de Saliou, de Mouctar, de Lansana et il faut éviter ce genre d’erreur qui peut être considérée comme des fautes. Je me réjouis d’ailleurs que le Président de la République lui-même ait rappelé lors d’un conseil des ministres que la loi L002 doit être appliquée et que personne ne doit déroger à cette loi. C’est ce type de discours qui peut inverser la tendance et pas des discours contraires.

Guinéediversité.com: Quels sont vos espoirs pour l’année prochaine?

Boubacar Yacine Diallo : Tout dépendra de la façon dont la force publique va s’exercer sur les médias. Il est vrai aussi que les journalistes doivent être à mesure d’exercer leur profession en toute indépendance mais comme je le dis souvent en toute responsabilité. Il arrive que des journalistes commettent des délits et malheureusement, il y a quelques hauts fonctionnaires qui pensent pouvoir gagner des procès et qu’ils tentent des procès, ce n’est jamais crédible !  J’espère que les hauts fonctionnaires qui relèvent de lui ont bien entendu son message. J’exhorte la justice à n’appliquer que la loi, si cette loi est appliquée tel que c’est prévue, si les journalistes exercent en toute indépendance et en toute responsabilité je ne vois pas pourquoi cette tendance ne pourrait pas être inversé. Mon souhait est que la Guinée retrouve sa position au moins de 2013.

Guinée diversité.com: avec les défis auxquels la Guinée est confronté, y a t-il pas de risque dans ce sens ?

Boubacar Yacine Diallo : la presse risque toujours, mais il faut quand même réduire la marge des dégâts.

Entretien réalisé par Moussa Moïse KEITA