Un peu moins de 10 millions d’électeurs sont appelés à élire leur président à Madagascar pour le deuxième tour de l’élection présidentielle. Il s’agit de départager les deux finalistes, deux ex-présidents, Andry Rajoelina et Marc Ravalomanana. Et à l’ouverture du scrutin, les électeurs ne se pressaient pas dans les bureaux de vote.

Les bureaux de vote ont ouvert à l’heure prévue mais les électeurs ne se pressent pas dans les bureaux de vote, rapportent nos envoyée spéciale et correspondante.

Journée de vote fériée

A Antananarivo, ce centre de vote -un lycée- d’une quinzaine de bureaux est très calme et certaines salles sont quasiment vides. A l’ouverture du scrutin, alors que les rues grouillaient de monde, il y avait plus d’observateurs que d’électeurs dans les bureaux de vote. Où sont les gens ? s’interrogeait une observatrice d’une organisation locale, c’est inquiétant. Il faut dire que la campagne n’a pas été vraiment motivante, nous disait encore une électrice : les deux candidats n’ont pas arrêté de se chamailler.

La situation est très calme à Antananarivo, dans le quartier d’Andavamamba. Ici, il y a six bureaux dans cette école primaire et dans un de ces bureaux, sur les 602 électeurs inscrits, seules 140 personnes ont voté à 14h, heure locale. « C’est peu, selon le responsable du bureau qui ajoute, c’est l’approche des fêtes, les gens ont d’autres priorités dans ce quartier populaire comme trouver de l’argent pour Noël ».

Un peu plus tôt ce matin, deux sœurs expliquaient qu’elles n’avaient pas l’intention de voter. Et puis à la dernière minute, l’une d’elles s’est décidée à venir. « C’est mon devoir », dit-elle. Sa sœur Stéphanie, elle, l’a accompagné jusqu’à la porte du bureau mais n’a pas voté, ni au premier tour ni au second tour. « J’en ai assez de leur blabla », dit-elle en parlant des candidats.

Le gouvernement a décrété cette journée fériée pour inciter les gens à se déplacer dans les bureaux de vote. Mais à Tulear, la ville du sud de la Grande île, il n’y a pas non plus foule dans les bureaux de vote, rapporte notre envoyée spéciale. Il faut préciser cependant que le travail informel prédomine dans cette ville : pas de congé donc pour la majorité des Tuléariens.

Le taux de participation va être déterminant ce mercredi. Rappelons qu’au premier tour, le 7 novembre dernier,  45% des électeurs ne sont pas venus voter. Le chef de la mission d’observation de l’Union européenne confirmait, à midi, sur l’ensemble du territoire, que la participation était en baisse, de 3 à 4% par rapport au premier tour. Ces dernières semaines, les candidats ont sillonné le pays pour tenter de convaincre les indécis, les abstentionnistes, car les deux candidats Marc Ravalomanana et Andry Rajoelina sont au coude à coude.

Le vote des deux candidats

Les deux anciens chefs d’Etat ont voté dans la matinée et ils ont adressé un message aux Malgaches à leur sortie de l’isoloir. Face à des bureaux de vote peu remplis, c’est un appel à aller voter massivement qu’ont lancé les deux candidats.

Andry Rajoelina a été le premier à accomplir son devoir de citoyen dans le quartier d’Ambatobe, à Antananarivo : « Je suis confiant et je pense que le peuple malgache tranchera une bonne fois pour toutes pour celui qui dirigera le pays. Je fais un appel à tout le peuple malgache à voter dès maintenant parce qu’il ne faut pas attendre la dernière minute pour voter. Et que le choix de la population ne soit pas détourné. Nous allons attendre le résultat dans la paix et dans la sérénité. Je suis un démocrate et j’accepterai le verdict des urnes ».

L’ancien président Marc Ravalomanana qui a voté dans son quartier de Faravohitra, dans le centre de la capitale, s’est lui aussi dit confiant, mais il a déjà dénoncé des anomalies : « Il faut quand même respecter les règles du jeu. Nous avons constaté qu’il y a des cartes électorales fausses et qu’il y a aussi des cartes d’identités fausses. C’était pour ça que j’ai été voir le président par intérim qui nous a assuré qu’il aller faire le nécessaire et prendre ses responsabilités ».

«Ce peuple a manqué de dirigeants honnêtes, patriotes et humanistes»

On verra si ces deux hommes, les deux protagonistes de la crise de 2009, ont réussi à convaincre les électeurs qu’ils ont changé et peuvent aider au développement du pays. Un pays où 90 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et où les trois quarts de la population vivent avec moins de deux euros par jour (selon la Banque mondiale). Une pauvreté qualifiée de « honte » par le père Pedro. « Les politiciens à Madagascar ne se sont jamais impliqués à combattre la pauvreté réellement dans la vie quotidienne. Ils ne se sont jamais vraiment occupés du social, insiste le père qui est à la tête d’une communauté de plus de plus de 25 000 désœuvrés à l’extérieur d’Antananarivo. Le peuple, il se meurt et avant de mourir il éclate. Il veut dire: mais nous sommes aussi les citoyens de ce grand pays qui est Madagascar, s’insurger contre cette indifférence des politiciens qui promettent et qui ne font pas. Alors celui qui va gagner maintenant, il est obligé de faire quelque chose, sinon ici ça va éclater plus fort encore ».

« Les gens sont à bout du souffle, la misère à Madagascar est insoutenable et inacceptable, c’est une honte, ce n’est pas possible. Pourquoi on les fait souffrir ? Ce peuple a manqué de dirigeants honnêtes, patriotes et humanistes. Celui qui va être choisi, je pense qu’il est conscient qu’il faut faire quelque chose. J’espère parce que sinon pourquoi on fait des élections ? »

Il y a un certain désenchantement des Malgaches qui pensent que cette élection ne va pas changer grand-chose à leur quotidien. « Je n’en attends rien, nous disait une électrice, mais c’est un devoir de voter, c’est pour ça que je suis là. »

Les résultats provisoires de ce deuxième tour sont attendus le 1er janvier. Les résultats définitifs seront proclamés par la Haute Cour constitutionnelle sept jours plus tard.

RFI