En campagne électorale, Ibrahim Boubacar Keïta, président malien sortant candidat à sa propre succession, s’est rendu jeudi à Kidal, dans une ville bouclée par les ex-groupes rebelles touaregs et les forces internationales.

C’est à 13h, ce jeudi 19 juillet, que Ibrahim Boubacar Keita (IBK), le président malien en campagne pour un second mandat de 5 ans, a atterri à Kidal. À sa descente d’hélicoptère, il est accueilli par plusieurs personnalités, dont Mohamed Ag Intalla, l’Amenokal de la ville, Bilal Ag Achérif, le président en exercice de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), et Alghabass Ag intalla, le très influent secrétaire général du Haut conseil pour l’Unité de l’Azawad (HCUA). Après les salutations d’usage, le cortège dans lequel se trouve IBK se dirige d’abord, sous bonne escorte des combattants de la CMA, au cimetière où se repose feu Intalla Ag Attaher, l’ancien Amenokal de la ville. « Homme de paix, qui a toujours œuvré pour l’unité du Mali », déclare sur sa tombe le président candidat.

Puis la délégation se rend au siège du mécanisme de Désarmement, démobilisation, réinsertion et réintégration (DDR), où une villa a été aménagée pour accueillir l’hôte du jour. Après la pause et des échanges avec les responsables de la CMA et des notables de la ville, IBK préside dans l’après-midi une conférence de cadres du Conseil régional de la ville. Au fond de la salle, le drapeau du MNLA, l’ex-rébellion touarègue séparatiste, flotte sur sur une banderole, tandis qu’une autre indique : « Les chefs de tribus de l’Adrar des Ifoghas souhaitent la bienvenue à Elhadj Ibrahim Boubacar Keïta ».

Promesses non tenues

La salle est remplie en majorité par des jeunes et des femmes des associations de la ville. « Le président a souhaité écouter Kidal dans sa profondeur, et nous n’avons pas fait de censure », prévient un membre de la CMA qui fait partie de l’organisation. Le président du conseil régional, le colonel Hassan Ag Fagaga, lui-même membre de l’ex-rébellion, a ainsi rappelé au président malien ses promesses non encore tenues de 15km de route bitumée à l’intérieur de la ville de Kidal, de reconstruction d’un aérodrome et du rétablissement de l’eau courante.

« Kidal attend la concrétisation de ces promesses », dit Ag Fagaga. « Le problème est lié au système de gouvernance et nous voulons une libre administration locale », ajoute Allou Ag Immama, représentant d’une association de jeunes. Dans la salle, deux associations rivales de femmes ont également eu droit à la parole. « Le mot Azawad nous est cher, et nous souhaitons, dès votre réélection, que vous trouviez une issue heureuse à son usage », demande Aminetou Walet Bibi, leader des femme du MNLA.

« Vous nous demandez de voter pour vous, mais tous nos hommes sont morts. Comment voulez-vous que les gens votent s’ils ne sont plus ? Je vous demande, monsieur le président : libérez nos prisonniers », insiste pour sa part Bakdi Walet Ibrahim, connu pour ses positions radicales. L’ambiance devient électrique. « Adi (« ça », en langue tamasheq), c’est les femmes, on ne peut rien faire contre elles », sourit la source au sein de l’organisation. Mais IBK maîtrise rapidement le débat. « Il ne faut pas réfléchir avec le cœur, mais plutôt avec la tête », lance-t-il à la salle. Et de demander à toutes les parties signataires de l’accord de paix de faire preuve de bonne volonté, tout en promettant de garantir, s’il est réélu, le retour effectif des services de base ainsi que la construction d’un aéroport international et d’un hôpital de niveau régional.

La rencontre prend fin dans une ambiance plutôt bon enfant. Les discussions avec les leaders de Kidal continuent toute la soirée à la villa de la résidence d’IBK, sécurisée par un dispositif impressionnant de combattants de la CMA qui, avec ceux de la Minusma et de la force française Barkhane, assurent la sécurité dans et autour de la ville.

Pour l’heure, la CMA n’a pas encore donné de consigne de vote. La semaine dernière, elle a dit qu’elle en donnerait une en faveur du candidat qui s’engagerait à appliquer « fermement » l’accord de paix. De son côté, IBK était attendu à Tombouctou ce 20 juillet pour un meeting et la prière du vendredi.