Lettre ouverte aux États membres et observateurs du Conseil des droits de l’homme des Nations unies
Madame, Monsieur l’Ambassadeur,
Au mois de mars 2010, en réponse notamment au massacre du 28 septembre 2009, au cours duquel plus de 150 personnes ont été tuées et une centaine de femmes violées dans le stade de Conakry, parce qu’elles exigeaient la tenue d’élections libres et transparentes, le Conseil des droits de l’homme a adopté sa première résolution sur le renforcement de la coopération technique et des services consultatifs en République de Guinée dans le but d’appuyer le travail effectué par le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) en Guinée, et précédant l’ouverture d’un bureau pays du HCDH. Cette résolution, annualisée depuis, appelait la communauté internationale à fournir au Gouvernement guinéen une assistance appropriée en vue de promouvoir le respect des droits humains, la lutte contre l’impunité et les réformes des secteurs de la sécurité et de la justice afin de contribuer au rétablissement durable de la paix et de l’ordre constitutionnel.
Les rapports du Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme et sur les activités du bureau du HCDH en Guinée ont permis de souligner les progrès réalisés par le pays en vue de rétablir l’État de droit et de promouvoir et protéger les droits humains et les libertés fondamentales. À cet égard, nos organisations saluent les efforts engagés par la Guinée pour la réforme de la justice à travers la révision des Codes pénal, de procédure pénale et de justice militaire à la lumière des engagements internationaux de la Guinée, notamment le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI) ou la Convention contre la torture, ainsi que la mise en place du Conseil supérieur de la magistrature et la nette augmentation du traitement des magistrats.
Les différentes résolutions adoptées par le Conseil ont également fait écho aux défis à relever. Plus de six ans après le massacre du 28 septembre, nos organisations appellent les autorités guinéennes à placer au centre de leur priorités la poursuite de la lutte contre l’impunité et la réforme de la justice. Il est indispensable que le Gouvernement fournisse à la justice tous les moyens nécessaires pour qu’un « procès du 28 septembre » puisse se tenir, dès 2016, dans les meilleures conditions, en garantissant les conditions d’une clôture rapide de l’enquête et d’un procès satisfaisant. [1] Nos organisations rappellent également que la vérité et la justice sont des aspects essentiels du processus de réconciliation nationale, et appellent à la mise en place dans les meilleurs délais d’une Commission de réconciliation qui aurait pour mandat l’écoute et le rétablissement de toutes les victimes dans leurs droits, et à laquelle il serait donné des moyens suffisants pour mettre en place les conditions d’une réconciliation entière et durable afin de prévenir la récurrence des violations des droits humains et des conflits, en éliminant leurs causes structurelles. Le climat de tension et les violences observés au cours de la période électorale de 2015 ont souligné avec force la nécessité d’engager véritablement ce processus de réconciliation nationale et d’apporter des garanties pour restaurer la confiance des citoyens vis-à-vis de l’État, laquelle passe par la poursuite d’une réforme en profondeur des institutions, conditions de la consolidation des acquis démocratiques et des fondements de l’État de droit en Guinée.
L’engagement et la coopération du Gouvernement guinéen ont permis d’importantes avancées en matière de promotion et de protection des droits humains, et le Conseil des droits de l’homme devrait avoir l’opportunité de discuter et d’évaluer les progrès réalisés et les défis persistants. La tenue d’un dialogue interactif avec la participation de toutes les parties prenantes est nécessaire pour dresser un bilan de l’impact de la coopération technique et des services consultatifs fournis aux autorités du pays par le Conseil des droits de l’homme. À cet égard, le Conseil devrait, lors de sa 31ème session, adopter une résolution qui :
Reconnaisse le travail accompli par le HCDH en vue d’aider le Gouvernement guinéen à respecter ses obligations en matière de droits humains ; Encourage le gouvernement guinéen à continuer d’œuvrer à améliorer la promotion et la protection des droits humains, notamment dans les domaines mis en évidence par les rapports successifs du Haut-Commissaire ;
Appelle le gouvernement Guinéen à organiser le procès du 28 septembre conformément à ses engagements et en bonne coopération avec la Cour Pénale Internationale ;
Appelle les États membres à collaborer avec la Guinée pour l’arrestation et la mise à la disposition de la justice guinéenne des personnes inculpées et/ou en fuite dans le cadre de cette procédure judiciaire ;
Prie le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, par l’intermédiaire de sa présence en Guinée, de poursuivre ses activités et programmes d’assistance technique et de renforcement des capacités en concertation avec les autorités guinéennes ;
Prie le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme continuer à apporter l’assistance nécessaire au processus de réconciliation nationale en cours, notamment pour la tenue des Consultations nationales et l’instauration d’une Commission vérité justice et réconciliation, tel que souhaité par les autorités guinéennes ;
Invite le Haut-Commissaire à faire rapport au Conseil à sa 33ème session (septembre 2016) sur les progrès enregistrés dans la situation des droits humains et sur les activités de son bureau en République de Guinée, ainsi que sur l’évaluation de l’impact de la coopération technique et des services consultatifs fournis aux autorités du pays par le Conseil des droits de l’homme, suivi d’un dialogue interactif avec toutes les parties prenantes.
Nous vous remercions de l’intérêt que vous porterez à ces préoccupations et vous prions de croire, Madame, Monsieur l’Ambassadeur, en l’assurance de notre haute considération.
La FIDH
Human Rights Watch