Le médecin guinéen, figure de proue de la lutte contre le virus dans son pays, est convaincu de l'efficacité du nouveau vaccin. D'ailleurs, il l'a testé le premier.
En Guinée, il est désormais plus célèbre que le ministre de la Santé pour lequel il travaille. Et si personne ne connaît son titre exact – à rallonge il est vrai -, tout le monde sait qu’il est l’un des maillons essentiels de la lutte contre le virus Ebola depuis le déclenchement de l’épidémie début 2014.
Sakoba Keïta, 61 ans, coordinateur national de la lutte contre Ebola et chef de la division « prévention et lutte contre la maladie » au ministère de la Santé, ne compte plus les réunions animées, les conférences de presse organisées et les interviews accordées afin d’expliquer les gestes à adopter pour éviter toute contagion et d’informer sur la situation épidémiologique de la nation. Et même si, à l’intérieur du pays, des agents de santé ont critiqué « une certaine tendance à se focaliser sur la capitale, Conakry », son visage leur est désormais à tous familier.
L’annonceur de la bonne nouvelle
Début août, c’est lui, le docteur Sakoba, comme beaucoup l’appellent simplement, qui monte en première ligne pour annoncer la bonne nouvelle… Un vaccin, le VSV-Ebov, testé en Guinée depuis mars sur près de 4 000 personnes (en majorité des contacts de personnes malades), donne des résultats très prometteurs. Développé par l’Agence de la santé publique du Canada, le vaccin – dont la licence a ensuite été acquise par les laboratoires américains Merck et NewLink Genetics – « s’est montré efficace dans 75 % à 100 % des cas », selon l’OMS.
Cette fois, on est vraiment sur la bonne voie.
« Depuis la publication des résultats de cette étude clinique, notre stratégie a complètement changé, explique le médecin à Jeune Afrique. On vaccine systématiquement les personnes ayant été en contact avec les rares nouveaux cas (un malade détecté la semaine du 27 juillet au 2 août, pour 1 080
« C’est un énorme soulagement » pour ce médecin formé à Cuba dans les années 1970 et entré au ministère de la Santé guinéen au début des années 2000 afin de s’occuper d’un programme « lèpre », puis devenu en 2008 le chef de la division « prévention et lutte contre les maladies », où il gérera des épidémies de rougeole, de méningite ou de choléra… Et même si chacune de ces maladies demande une lutte éprouvante, Ebola restera sans nul doute une exception pour lui et son équipe (de 100 à 120 personnes selon les périodes). Par sa durée – déjà près d’un an et demi – et sa létalité : 2 522 morts à ce jour dans la seule Guinée.
Démystifier le virus
Premier volontaire à s’être vu administrer le vaccin dans le pays, le 7 mars, le docteur Sakoba s’attelle désormais à une autre tâche : convaincre les personnes sous surveillance de la nécessité d’en faire autant. « Cette découverte a démystifié le virus, considéré comme quasi invincible. Avant, avoir Ebola, c’était être condamné. Aujourd’hui, l’espoir est permis et les gens sont plus ouverts aux innovations, aux agents de santé – notamment ceux venus de l’extérieur. Mais il y a encore des réticences. La dernière personne que nous avons perdue, il y a plusieurs jours à Forécariah, avait refusé le vaccin. »
Et si, pour le moment, aucune campagne de vaccination à grande échelle n’est prévue et que les études cliniques se poursuivent afin d’évaluer l’efficacité et la sécurité du vaccin à long terme, le docteur Sakoba se veut optimiste : « Cette fois, on est vraiment sur la bonne voie. »
JA