Les appels au calme se multipliaient vendredi en Guinée après deux jours de violences électorales, à 24 heures d'une élection présidentielle dont l'opposition menace de contester les résultats, alors que le camp du sortant Alpha Condé le donne vainqueur dès le premier tour.

Les violences qui ont éclaté jeudi à Conakry entre partisans du chef de l’opposition, Cellou Dalein Diallo, et d’Alpha Condé – faisant deux morts d’après des sources de sécurité – se sont poursuivies vendredi, dernier jour de campagne, à l’initiative des deux camps, avec de nombreux actes de vandalisme.

Dans l’est du pays, des affrontements entre militants des deux partis jeudi soir dans la sous-préfecture de Banankoro ont fait cinq morts, brûlés dans une maison, et des dizaines de blessés par balle, a indiqué à l’AFP le maire de la commune rurale de Banankoro, précisant que le calme était revenu depuis.

Après une campagne relativement apaisée, la tension est brusquement montée autour du report du scrutin exigé par l’opposition et rejeté par le président, avec les ultimes meetings des principaux candidats.

« On a vu depuis hier (jeudi) une dégradation de la situation sécuritaire », s’est alarmé le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique de l’Ouest, Mohamed Ibn Chambas.

« C’est inquiétant, parce que nous avons tous travaillé, la communauté internationale a accompagné ce processus électoral, pour qu’on puisse avoir des élections apaisées, dans la sérénité, des élections crédibles et inclusives », a souligné M. Ibn Chambas

Il a exhorté les autorités à « assurer que les Guinéens puissent sortir le dimanche 11 octobre et aller exprimer leur voix librement sans intimidation, sans violence, sans menace », ainsi que les leaders politiques à « prendre leurs responsabilités ».

Auparavant, il avait rendu visite au chef de l’opposition, qui a de nouveau exigé jeudi un report, afin de permettre une révision sous supervision internationale des listes électorales qu’il estime truquées, pour conjurer une « mascarade électorale ».

« Sinon, on n’acceptera pas les résultats et je mobiliserai avec tous les autres candidats la population pour refuser », a prévenu M. Diallo, battu sur le fil par Alpha Condé en 2010.

Fractures politiques et communautaires

Malgré les appels à la détente, Cellou Dalein Daillo ne désarmait pas, accusant Alpha Condé de fomenter les violences.

« Je demande à mes militants de ne s?attaquer à personne, quelle que soit son ethnie ou son appartenance politique. Mais je leur demande de se défendre si on les attaque », a-t-il déclaré vendredi à la radio privée Espace FM.

Le président Condé s’est rendu vendredi matin à la casse du marché de Madina, le plus grand du pays, où des jeunes vendeurs malinkés, son ethnie d’origine, ont vu leurs conteneurs incendiés la veille lors du passage du cortège de M. Diallo, appelant à résister aux « provocations ».

Il a annoncé l’annulation de son dernier meeting et a appelé à aller voter dimanche.

De son côté, Sidya Touré, « troisième homme » de la présidentielle de 2010, a déploré dans un communiqué « cette ambiance délétère que nous connaissons depuis deux jours », plaidant pour « que les lignes de fracture politique ne rejoignent pas les lignes de fracture communautaire ».

M. Condé fait campagne sur son bilan: réforme de l’armée et de la justice, achèvement du barrage hydro-électrique de Kaléta, pour pallier enfin la pénurie criante d’électricité, transparence sur les contrats miniers …

« Malgré Ebola (l’épidémie qui s’est déclarée dans le pays en décembre 2013, NDLR) il n’y a qu’à voir ce que nous avons fait en cinq ans. Demandez au peuple de Guinée, ce que nous avons fait en cinq ans, si les autres l’ont fait en cinquante ans », a-t-il déclaré dans une interview à plusieurs médias, dont l’AFP.

Face à lui, sept candidats, dont les anciens Premiers ministres Diallo, Touré et Lansana Kouyaté, mais aussi une femme, Marie Madeleine Dioubaté, du Parti des Ecologistes de Guinée (PEG).

Ses adversaires l’accusent de mauvaise gestion, d’exercice solitaire du pouvoir et d’attiser les tensions ethniques, notamment envers les Peuls, largement favorables à M. Diallo, des reproches qu’il récuse.

Plusieurs missions – de l’Union européenne (UE), qui compte 72 observateurs sur tout le pays, de l’Union africaine (UA), de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) – sont venues observer l’élection.

Près de 19.000 policiers, gendarmes et agents de la protection civile sont déployés pour sécuriser le scrutin, avant pendant et après le vote.

La Commission électorale nationale indépendante (Céni) s’est dite prête pour dimanche, tout en reconnaissant d’importantes disparités géographiques quant à l’avancement de la distribution des cartes d’électeur.

Les deux précédents scrutins, la présidentielle de 2010 et les législatives de 2013, ont été marqués par des violences et des accusations de fraude.

Avec JA

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