Le Parlement a voté dans la nuit une résolution prévoyant de « tenter des actions en vue de la destitution du nouveau Premier ministre ». Baciro Dja avait été nommé à la suite de la médiation d’Olusegun Obasanjo, l’ancien président nigérian, qui incite les politiques au dialogue et craint un nouveau coup d’Etat dans le pays. Un signe de crispation supplémentaire dans la crise politique qui secoue la Guinée-Bissau depuis le limogeage de l’ancien Premier ministre Domingos Simoes Pereira par le président José Mario Vaz.
Le débat a duré plus de douze heures à l’Assemblée nationale. Au terme de la résolution adoptée dans la nuit de lundi à mardi, les députés affirment leur « désaccord avec la nomination du Premier ministre Baciro Dja », nommé par décret la semaine dernière, et affirment leur intention de « tenter des actions en vue de la destitution du nouveau Premier ministre ». Le texte a été adopté par 75 voix sur les 102 députés que compte l’Assemblée nationale. Au moment du vote, 79 élus étaient dans l’hémicycle.
Obasanjo plaide pour le dialogue politique
La nomination de Baciro Dja avait mis un terme à la mission d’une délégation de la Cédéao chargée d'aider à la résolution de la crise politique et conduite par l’ancien président nigérian Olusegun Obasanjo. « J’ai mené de larges consultations entre les différentes parties. Nous avons également essayé de nous assurer que la tension se désamorçait dans le pays », assure Olusegun Obasanjo au micro de RFI.
Mais face à la médiation de la Cédéao, chacun est resté sur ses positions, regrette l’ancien président nigérian. « Du côté du Premier ministre, les gens disaient que le président avait agi de manière anticonstitutionnelle. Le président et ceux qui sont à ses côtés ont assuré qu’ils ont agi en accord avec la Constitution », résume-t-il. « Mon but est qu’il y ait un dialogue entre les dirigeants des partis politiques, non seulement avec ceux du parti au pouvoir, mais aussi avec ceux des autres partis politiques. De cette manière nous pourrons éviter un autre coup d’Etat. »
Le PAIGC, parti déchiré
Après plusieurs mois d'une tension politique montant crescendo, la crise a définitivement éclaté le 12 août dernier, lorsque le président José Mario Vaz a dissous le gouvernement et limogé son Premier ministre, Domingos Simoes, arguant d’une « crise de confiance » au sommet de l’Etat. Les deux hommes sont pourtant issus des rangs du même Parti africain pour l'indépendance de la Guinée et du Cap-Vert. Mais les luttes fratricides qui déchirent le PAIGC depuis le putsch militaire d’avril 2012, et la chute du président Carlos Gomes Junior, leader du parti historique de l’indépendance bissau-guinéenne, ont eu raison du modus vivendi ayant abouti à l'élection de José Maria Vaz en 2014 – qui avait été maintenu jusque-là.
Les instances du PAIGC ont choisi de soutenir Domingos Simoes. Depuis la dissolution du gouvernement, le parti majoritaire au Parlement (57 sièges sur 102) maintient son nom comme seul Premier ministre possible. Et lorsque, vendredi 21 août, Baciro Dja – lui aussi issu des rangs du PAIGC – a été investi comme nouveau Premier ministre, un responsable du parti a immédiatement dénoncé « un décret illégal et inconstitutionnel qui ne respecte pas la volonté du parti. Nous le considérons comme un acte isolé du président de la République. »
Des membres du PAIGC devraient par ailleurs se rendre mercredi à Banjul, où le président gambien Yahya Jammeh a proposé son aide pour mener une médiation, a annoncé l’ambassadeur gambien à Bissau, cité par l’Agence France-Presse. Une initiative qui fait suite à celle menée conjointement par la Guinée et le Sénégal, le 9 août dernier. Macky Sall, président sénégalais et Alpha Condé, président guinéen, avaient alors rencontré leur homologue bissau-guinéen José Mario Vaz à Dakar pour tenter de calmer l'escalade de la crise politique.
avec RFI