Monsieur le Président de la République, et Président en exercice de l’Union Africaine
La conscience universelle vient d’être bouleversée par la publication par CNN de l’horrible scène de vente aux enchères d’êtres humains en Libye, non loin de la capitale, Tripoli. Le court film de CNN, reproduit par toutes les Télévisions du monde, met en lumière les abominables situations d’esclavage auxquelles sont réduits de nombreux migrants qui transitent par la Libye pour gagner l’Italie, porte d’entrée en Europe.
Il convient de rappeler que déjà le 11 avril 2017, l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) avait alerté la communauté internationale sur la situation des migrants en Libye. L’ONG dénonçait que des personnes étaient vendues comme esclave au plus offrant. Le montant le plus élevé des propositions de transactions se chiffrait à 700 dinars soit environ 433 €.
La contrainte à des travaux forcés, les traitements cruels et inhumains, le viol et les prostitutions, la vente à tarifs bas sur le marché des migrants bloqués par les passeurs, qui s’improvisent vendeurs et organisateurs de vente aux enchères, rappellent l’esclavage des temps les plus anciens.
L’esclavage, faut-il le rappeler, est la condition de l’individu privé de sa liberté, devenue la propriété, exploitable et négociable comme un bien matériel, d’une autre personne. Les propos des vendeurs rappellent la définition qu’Aristote avait donnée de l’esclave dans »Ethique à Nicomaque VI, chap. VIII-XIII: ‘‘un instrument animé »
La scène de vente est d’autant choquante, voire traumatisante par son abomination que tout acte de capture, d’acquisition, de possession ou de cession d’une personne, en vue de la réduire en esclavage, c’est-à-dire à l’état d’instrument économique, sous la dépendance d’un maître, est aujourd’hui officiellement interdit sur toute la surface de la terre.
Monsieur le Président de la République,
L’esclavage est la pire des violations qui peuvent être infligées à la personne et à la dignité de l’homme. Depuis le Congrès de Vienne, en l’an 1815, avec l’engagement des principales puissances européennes (Empire d’Autriche, Grande-Bretagne, France, Portugal, Russie, Suède) l’humanité commence, au plan international, à mettre fin à la traite négrière.
Au sein du système des Nations Unies, la Convention de Genève de la Société des Nations en 1926, puis l’article 4 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, confirmée parla convention de 1956 et l’Article 8 du Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques font Interdiction de l’esclavage et des travaux forcés.
Monsieur le Président de la République et Président en exercice de l’Union Africaine
Pour les citoyens guinéens, que nous sommes, l’esclavage est un cancer qui souille l’humanité, par l’abjecte pratique de la négation de la LIBERTE, cette valeur humaine qui a fait des héros, des martyrs et des victimes qu’il faut honorer absolument et avec une inaltérable constance pour le triomphe contre les esclavagistes. Notre hymne national (Liberté) en est une parfaite illustration puisque conçu pour l’ensemble des peuples, que l’idée même de l’esclavage révulse.
Nous devons reconnaître la traite et l’esclavage pour ce qu’ils furent et demeurent : des crimes contre l’humanité. Les images diffusées par CNN nous engagent à dénoncer le traitement inhumain subi par des centaines de jeunes Africains, victimes des pièges de la migration. Elles nous engagent également à dénoncer l’indifférence qui entoure la souffrance de ceux que des criminels réduisent à être de simples instruments reproductibles et destructibles. Elles nous engagent pressement à des politiques sociales plus justes, et qui incitent nos jeunes à s’accomplir là où ils sont le mieux à même de s’épanouir : la terre de leurs ancêtres.
Nous constatons avec tristesse que l’écart entre la nécessité impérieuse de combattre l’immigration clandestine, cause immédiate des crimes que nous dénonçons aujourd’hui, et les moyens alloués à la cause est grand. Des défis importants ont été identifiés :
L’absence d’une loi spécifique contre la traite des personnes afin de réprimer les réseaux de passeurs, responsables de l’incitation et du transport des migrants ; ils sont également coresponsables du commerce malsain de ces jeunes migrants à des esclavagistes ;
L’impérieuse nécessité d’accroitre les moyens d’Institutions comme l’INIDH, ainsi que les plateformes de la société civile, pour entreprendre de vastes campagnes de sensibilisation pour dissuader les candidats à l’immigration clandestine et leurs familles ;
La nécessité de sensibilisation des représentations diplomatiques et consulaires de la Guinée dans les pays de transit et de destination afin qu’ils agissent pour encourager et faciliter le retour volontaire des compatriotes vers la Guinée ;
La nécessité d’impliquer les leaders religieux et moraux dans le processus de sensibilisation des populations dans les mosquées, les églises et autres lieux de regroupement afin de dissuader les départs pour l’immigration.
Recommandations
En plus des stratégies locales de lutte contre le phénomène, il faut noter que les efforts ne seront productifs que s’ils sont soutenus par des actions fortes et soutenues de l’Union africaine et de la communauté internationale en général. Il faut deux niveaux d’intervention pour juguler le phénomène :
- En amont, avec des stratégies locales, telles que mentionné plus haut ;
- En aval, avec une action de réconciliation nationale en Libye et une collaboration active entre les autorités des pays de départ et ceux de transit et de destination pour réduire le taux de départ et les traitements inhumains, dégradants perpétrés dans les pays de transit.
- Des poursuites judiciaires contre les réseaux de passeurs ainsi que les auteurs et complices de maltraitances contre les jeunes migrants ;
- La facilitation de l’obtention de visas pour les candidats à l’immigration régulière ;
- La nécessité d’une coopération africaine et sud-sud pour lutter efficacement contre le chômage et le désespoir qui constituent un terreau fertile à l’immigration clandestine ;
- La nécessité d’une collaboration efficace entre les pays de depart et les pays de destination en vue de mettre en œuvre des projets communs en faveur de la sédentarisation des jeunes dans leurs pays d’origine ;
- La nécessité de programmes nationaux d’insertion des jeunes avec de projets d’activités génératrices de revenus pour les jeunes en quête d’emploi ;
- La nécessité absolue de faciliter l’obtention d’agréments pour les jeunes voulant créer des associations, des Partis politiques, des ONGs, etc…, par le ministère de l’Administration du territoire
- La nécessité de défendre les médias privés qui, il faut le signaler, emploient beaucoup de jeunes qui auraient pu être des candidats à l’immigration clandestine, mais surtout restent un moyen d’information incontournable dans la lutte contre les travers de notre société
- La nécessité de protéger les libertés individuelles et collectives pour donner aux jeunes des raisons de croire en leur avenir
- La nécessité impérieuse de renforcer l’encrage démocratique à travers la promotion de l’alternance au pouvoir, ainsi que de l’indépendance et l’efficacité des institutions démocratiques, en vue de renouveler en permanence l’espoir d’un avenir meilleur aux jeunes et la foi en leur pays, ce qui va accroitre les chances de les maintenir dans leur pays d’origine.
Il est donc clair que le lien entre le progrès démocratique et l’immigration est évident en ce sens que beaucoup de pays de départ ont des ressources suffisantes pour créer des opportunités pour leurs jeunesses, mais la mal gouvernance, la corruption endémique, le clanisme, l’ethnocentrisme, le favoritisme, le népotisme privent la majorité de la population au profit d’une minorité ; l’absence de perspectives de changements crée le désespoir chez les jeunes qui préfèrent aller voir ailleurs. La solution à ces fléaux réside dans les mécanismes de la démocratie et de l’alternance au pouvoir.
Président de l’Union africaine, nous vous exhortons, Monsieur le Président de la République, d’être le CHAMPION, LE PREUX CHEVALIER de la lutte contre l’esclavage en Afrique, de réussir à mobiliser tous les Chefs d’Etat africains à s’unir résolument autour de cet idéal, afin que les pays reconnus sanctuaires de la rémanence ou de la persistance d’une quelconque forme de traite humaine s’inscrivent dans la dynamique de la liberté pour tous et du respect de la personne et de la dignité de tout être humain.
Disons : NON A L’ESCLAVAGE ET LA TRAITE HUMAINE !