A l’occasion de la « Journée internationale de la fille », instaurée par l’agence ONU Femmes il y a 6 ans, l’ONG One – cofondée par le chanteur Bono – publie un rapport alarmant sur l’accès à l’éducation des filles dans le monde. Intitulé « Accès des filles à l’éducation dans le monde : les mauvais élèves », cette étude établit le classement des pays où il fait le moins bon être écolière.

Parmi les dix « mauvais élèves », neuf se situent en Afrique : la liste comprend le Soudan du Sud, la République centrafricaine, le Niger, le Tchad, le Mali, la Guinée, le Liberia, le Burkina Faso et l’Ethiopie. L’Afghanistan figure également dans le groupe.

Au total, plus de 130 millions de filles à travers le monde ne sont pas scolarisées, en raison de différents facteurs. Les mariages précoces les empêchent de continuer leur scolarité – en Ethiopie, deux filles sur cinq se marient avant leur dix-huitième anniversaire et près d’une sur cinq avant l’âge de quinze ans. Parfois, les jeunes écolières doivent quitter le système scolaire pour aller travailler, car les familles en situation d’extrême pauvreté ne peuvent subvenir aux frais de scolarité. Et si elles le peuvent, elles choisissent d’envoyer les garçons pour étudier. En moyenne, la probabilité qu’une fille ne soit pas scolarisée est 57% plus élevée que la même probabilité pour un garçon. Et cet écart atteint 83% au niveau du lycée. En Afghanistan (pays en 4e position du classement), il y a 100 garçons scolarisés en primaire contre seulement 71 filles. Enfin, les conflits jouent un rôle important : au Nigeria, des centaines d’écoles ont été détruites ou fermées sous l’influence du groupe jihadiste Boko Haram (qui peut se traduire par « l’éducation occidentale est un pêché »), et plus de la moitié des filles de la région n’ont jamais été scolarisées.

De nombreux freins à l’accès à l’éducation

Les jeunes filles qui parviennent à entrer à l’école font quant à elle face à de nombreux obstacles : elles doivent souvent marcher plusieurs kilomètres, peuvent faire l’objet d’agressions sur le chemin, et sont contraintes d’être absentes quand elles ont leurs menstruations, faute d’équipements adaptés. Dans certains pays, le manque d’enseignants et de manuels scolaires est également un frein à leur scolarisation. En RCA, on compte seulement un enseignant pour 80 élèves (contre 1 enseignant pour 12 élèves aux Pays-Bas, et 1 pour 15 aux États-Unis). Conséquence directe : 500 millions de femmes dans le monde ne savent pas lire.

Rédigé à partir de données fournies par l’Unesco, le classement a été effectué à partir de onze indicateurs qui reflètent l’accès à l’éducation pour les filles, l’achèvement et la qualité de leur scolarité, ainsi que la situation générale du secteur de l’éducation. Chaque pays s’est vu attribuer un score sur 100, des scores les plus bas indiquant de mauvais résultats. Le constat démontre une forte corrélation entre un fort taux de pauvreté et une faible scolarisation des filles, bien que le Burundi fasse mentir les statistiques : alors qu’il affiche le revenu national par habitant le plus faible au monde – 286 dollars –, le pays réalise des résultats supérieurs à 18 autres pays, pourtant plus riches.

« Un cri d’alarme et des recommandantions concrètes »

Selon ONE, il faut donner la priorité aux 10 pays où la situation est la plus alarmante. En Guinée, en moyenne, les femmes de 25 ans et plus ont été à l’école pendant moins d’un an. Au Niger, seulement 17% des filles et des femmes âgées de 15 à 24 ans savent lire et écrire.

Ce rapport, loin de se contenter de pointer du doigt des pays, propose des mesures pour améliorer l’accès à l’éducation des filles. S’il souligne la nécessité d’investir dans ce domaine, il rappelle que ce n’est pas suffisant : les politiques publiques doivent être réformées, en parallèle d’une augmentation des ressources financières. Ainsi, One engage chaque gouvernement à affecter 20% de son budget national à l’éducation – par exemple, le Soudan du Sud n’y consacre que 2,6%, et 73% des filles vivant au Soudan du Sud ne vont pas à l’école primaire. Afin de lutter contre les obstacles qui entravent l’accès des filles à l’éducation, One conseille aux gouvernements d’embaucher des enseignants, de favoriser l’accès à internet dans les écoles ou encore de promouvoir l’égalité de genre.

One encourage également les Etats donateurs à augmenter le financement mondial de l’éducation à travers les programmes du Partenariat Mondial pour l’Education, qui ont déjà fait leurs preuves. « Au Niger par exemple, entre 2014 et 2016, le programme a contribué à faire passer le taux d’achèvement du primaire de 51% à 78% et 282 salles de classe supplémentaires ont été construites  », explique Friederike Röder, directrice France de One. Mais selon elle, le défi est tel qu’il ne suffit pas de continuer ce qui est déjà en place, et elle appelle donc à « redoubler d’efforts  ».

300 millions de dollars sur 3 ans

L’ONG demande à la France « d’annoncer au plus vite sa contribution au PME, car elle pourra entraîner d’autres donateurs  », indique la directrice France de One, qui appelle le gouvernement français à contribuer à hauteur de 300 millions de dollars (environ 250 millions d’euros) pour la période 2018-2020. A titre de comparaison, la France avait donné 17 millions d’euros sur la dernière période de trois ans. « Nous souhaitons que ce cri d’alarme soit entendu et pris en compte, pour ne pas avoir à écrire un rapport similaire dans deux ans », conclut Friederike Röder.

Les gouvernements suivront-ils les recommandations de l’ONG ? Une partie de la réponse à cette question sera donnée à Dakar en février 2018 à l’occasion du Partenariat mondial pour l’éducation coparrainée par le France et le Sénégal, au cours duquel les pays donateurs seront présents. Des pays qu’il est d’ailleurs inutile de rechercher dans le classement : la plupart n’y figurent pas. La France, le Canada et l’Allemagne sont absents en raison de « données insuffisantes ». « Les taux de non-scolarisation sont si faibles (…) que ces pays ont décidé de ne pas donner la priorité à la mesure de ces taux », indique l’étude. L’ONG a éliminé les pays pour lesquels les chiffres pour quatre indicateurs ou plus (sur les 11) n’étaient pas disponibles et ne permettaient pas une comparaison fiable. Le classement a donc été calculé sur un ensemble de 122 pays.

Source RFI