En traversant les zones rurales de la Guinée, vous voyez souvent le sommet d’une colline ou une vallée qui n’a pas encore été bûchée. Dans un pays qui consomme ses ressources forestières à un rythme insoutenable, il est remarquable que beaucoup de communautés protègent ces zones.
Ici, dans le Susu-boxi, on entend souvent que ces zones sont les “barexide”, ou le lieu où dorment les esprits des ancêtres.
Il est clair pour moi qu’il y a une sagesse accumulée de l’environnement chez les Susu. Cette sagesse ne vient pas de textes de biologie ou des facultés universitaires; plutôt, elle vient d’une longue observation de la nature et de l’une de ses réalités fondamentales.
Ma voix de foté me dit que les forêts de la Guinée sont une merveille de la création de Dieu, un puits profond d’où vient une grande partie de la riche culture de la Guinée, et un refuge accueillant de la pagaille de Conakry.
Dans ce cas, cependant, je dois dire à ma voix de foté de se taire.
Au lieu de cela, je dois écouter les voix ancestrales de la Guinée, qui me disent qu’il y a un lien entre la santé des forêts et la santé de l’approvisionnement en eau … et la santé des communautés.
La destruction des forêts de la Guinée et l’absence d’un plan de gestion durable des ressources constituent des menaces à long terme pour la santé et le bien-être du peuple de Guinée.
Cependant, très peu de Guinéens ont le luxe de penser au sujet des menaces à long terme. Pour la plupart des populations guinéennes, les menaces sont à court terme … pas assez à manger aujourd’hui, pas d’argent pour envoyer les enfants à l’école, pas de médicament pour le prochain cas de paludisme … ou même pas de combustible pour préparer le bande nu borede ce soir.
Nous devons nous pencher sur la déforestation dans la perspective des 90 pour cent des gens ici qui travaillent la terre pour subsister.
Les Guinéens dans les zones rurales ont besoin d’argent pour survivre, et l’un des seuls moyens par lesquels ils peuvent se faire quelques francs guinéens est de fabriquer et vendre du charbon de bois.
Tous les Guinéens ont besoin de cuire les aliments, et le bois est la seule source de combustible pour la plupart des gens.
Le bois est souvent le seul matériau de construction, et on ne peut faire de briques de terre sans un bon feu en dessous,
Je ne critiquerai jamais un Guinéen pour avoir fait ce qu’il doit pour nourrir sa famille. Je vois les fosses à charbon de bois quand je marche dans les zones rurales de la Guinée; le libéral riche en moi regrette la déforestation consécutive. Le côté de moi qui est le fils d’un paysan est à 100 pour cent certain que si je vivais dans un petit village luttant pour soutenir une famille, je couperais tout arbre que je verrais si ce dernier ne produisait pas de fruits.
En tant que quelqu’un dont la résidence dispose de courant électrique 24 heures par jour et qui peut se permettre de faire la cuisine avec du gaz, je serais à la fois cruelle et stupide si je critiquais un Guinéen qui prépare le repas de famille avec du charbon ou du bois.
Notre défi ne peut pas consister à dire aux pauvres de ne pas couper les arbres ou cuire leurs aliments avec du bois de chauffage.
Mais il devrait consister à poser la question « pourquoi tant de responsables gouvernementaux affectés dans les zones rurales achètent une chose avant de quitter Conakry … une tronçonneuse? »
J’ai été très frappé de voir que les beaux vieux arbres ont été coupés autour des chutes du Voile de la Mariée, à Kindia. J’ai appris par les médias que les arbres ont été coupés en contrepartie d’une société étrangère promettant de rénover les installations du site touristique qu’elle venait de détruire.
Le peuple de Guinée n’échoue pas à protéger ses forêts; le gouvernement de Guinée ne parvient pas à mettre en œuvre les politiques qui mèneraient à leur exploitation durable.
Les politiques publiques ont jusqu’à présent échoué à distinguer les activités de ceux qui essaient seulement de soutenir leurs familles en récoltant le bois de ceux qui utilisent les ressources publiques de la Guinée pour le profit personnel. Les politiques de l’Etat ont également échoué à mettre en œuvre des programmes de reboisement comme condition préalable à l’exploitation forestière commerciale.
Les décideurs politiques de la Guinée peuvent utiliser le processus REDD+(Réduction des Emissions dues à la Déforestation et la Dégradation des Forêts)- visant à inciter à la gestion durable des forêts- pour élaborer un plan afin d’être de bons protecteurs de ces ressources.
Parlant en tant que foté Alex Laskaris, j’aimerais protéger les forêts de la Guinée simplement à cause de leur valeur esthétique.
Dans ma voix Susu, cependant, je me souviens que l’éleveur abat finalement ses animaux. Il les maintient en vie et en bonne santé et fait en sorte qu’il ne perde jamais la capacité de croître son troupeau.
Même s’il va abattre ses animaux, il n’est pas un éleveur en Susu. Au contraire, il est un dalisekante. Pour ceux qui ne parlent pas assez Susu pour bien comprendre cette expression, laissez-moi vous l’expliquer. Dali signifie «créateur» et «se» est le suffixe pour une chose. Kante vient du verbe … kantefe..protéger.
Telle est la richesse de la culture et de la langue, cela reflète le fait que nous ne parlons pas d’un travail impliquant les soins des animaux, nous parlons de ceux qui protègent ce qui appartient au Créateur.
Nous avons besoin de science moderne et d’outils modernes … mais il nous suffit juste de regarder dans votre sagesse culturelle à titre indicatif. Notre défi sur le changement climatique à l’échelle mondiale ou sur la protection des forêts du Ziama est le même … comment protégeons-nous et consommons-nous ce qui appartient à notre Créateur.
Alexander Laskaris, Ambassadeur des Etats-Unis d’Amérique en Guinée
Discours tenu à l’événement de l’USAID pour l’Action de Préparation à l’Accélération de la Réduction des Emissions dues à la Déforestation et la Dégradation des Forêts en Guinée