En pleine contestation contre le président burundais Pierre Nkurunziza, la vice-présidente de la Commission électorale a fui à l'étranger, hypothéquant encore un peu plus les prochaines élections à la veille d'un sommet régional crucial sur la crise au Burundi.

La vice-présidente de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), Spes Caritas Ndironkeye, a fui le Burundi en avion vendredi en début de soirée pour rejoindre Kigali au Rwanda, selon des proches. Elle a laissé une lettre de démission qui doit être remise à la Céni ce samedi.

Une autre commissaire de la Céni, Illuminata Ndabahagamye, serait également en fuite, mais l'information n'a pas été confirmée. La Céni compte cinq commissaires au total, désignés par le président et approuvés par l'Assemblée nationale.

"Ce qui se passe est une catastrophe", a commenté un membre de la Commission sous couvert d'anonymat. "Techniquement, la Céni peut continuer de travailler avec quatre commissaires sur cinq, on peut tenir le coup. Mais si c'est deux (commissaires qui sont parties), aucune décision ne pourra être prise, et il sera impossible de les remplacer d'ici" à vendredi.

Doutes sur la tenue des élections

Des élections législatives et communales, déjà repoussées de 10 jours sous la pression de la communauté internationale, sont prévues vendredi, suivies du scrutin présidentiel le 26 juin, puis des sénatoriales le 17 juillet.

Cette défection est un nouveau revers pour le camp présidentiel, à moins d'une semaine du début théorique des scrutins et alors que le Burundi est plongé depuis un mois dans une grave crise politique, avec des manifestations quotidiennes pour contester la candidature de M. Nkurunziza, au pouvoir depuis 2005, à un troisième mandat.

Jeudi, l'influente Église catholique et l'Union européenne avaient annoncé à quelques heures d'intervalles leur retrait des élections, l'UE jugeant notamment que les conditions actuelles et "l'atmosphère de peur et d’intimidation généralisée" ne permettaient pas la tenue de scrutins "crédibles".

La veille, l'opposition avait jugé "impossible" la tenue des élections en raison du "désordre" et de l'insécurité, appelant la communauté internationale à ne pas "cautionner" un "hold-up électoral" au risque d'"une prévisible guerre civile".

"Radicalisation" du pouvoir

Samedi, l'opposant Agathon Rwasa a de nouveau demandé un report des scrutins du 5 juin, qui, si ils se tenaient à cette date, seraient selon lui une "mascarade".

Dans un nouveau rapport, International Crisis Group (ICG) a également réclamé un report "immédiat des élections", s'inquiétant de la "spirale de la violence" en cours et de la "radicalisation" du camp présidentiel. Human Rights Watch (HRW) a pour sa part dénoncé la "riposte meurtrière" et la "répression" policière lors des manifestations.

Dans ce contexte, il semble impossible que ces élections puissent se dérouler dans de "très bonnes conditions", comme l'affirmait vendredi le ministre de l'Intérieur, Edouard Nduwimana: les manifestations anti-Nkurunziza ne faiblissent pas, avec leur lot d'affrontements et de tirs de sommation des policiers, et les incidents de sécurité se multiplient.

Vendredi, un manifestant a de nouveau été tué en province, et deux grenades ont explosé en plein Bujumbura sans faire de victimes.

Samedi matin, un impressionnant dispositif policier était de nouveau déployé dans tous les quartiers contestataires de la capitale. Des petits groupes de manifestants ont néanmoins tenté de se rassembler, notamment à Cibitoke et Kanyosha. Le parti présidentiel CNDD-FDD a pu organiser sans incident un meeting dans le quartier de Kanyosha.

Appel à la mobilisation

Les leaders du mouvement anti-troisième mandat ont appelé à une mobilisation maximale pour "dire clairement à Nkurunziza que le match est fini", en un "moment décisif" à moins de 24 heures du sommet de Dar-Es-Salaam, en Tanzanie, où les chefs d’État d'Afrique de l'Est se réunissent une nouvelle fois sur la crise. Tous les yeux seront tournés vers ces présidents, qui devraient demander un report des élections à défaut de prendre clairement position sur le nœud du problème: le troisième mandat.

L'ONU a dit vendredi espérer que le sommet donnerait un "nouveau souffle" au difficile "dialogue politique" interburundais en cours depuis deux semaines.

On ignorait samedi si le président Nkurunziza ira en personne en Tanzanie. Le premier sommet, le 13 mai, avait été bouleversé par une tentative de coup d'Etat militaire. Le retour de M. Nkurunziza dans son pays avait précipité l'échec du putsch, sans étouffer la fronde dans les rues.

Le sommet s'est ouvert dans l'après-midi, au niveau des ministres des Affaires étrangères, selon un correspondant de l'AFP. Les chefs d'Etats se réuniront dimanche.

Avec Jeune Afrique

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