Les guinéens, dans un unanimisme dont eux seuls savent le secret, ont pleuré, prié et enterré leurs compatriotes militaires tués dans un crash d’hélico ou d’avion (on ne sait plus à quel nom s’en tenir exactement) survenu aux larges de Monrovia (Liberia), le 11 février 2013. Mais, au-delà de ce formidable élan de solidarité nationale avec les familles des victimes et passé le deuil observé par toutes les adversités de la nation, ce crash meurtrier, sur lequel les membres du gouvernement avaient été alertés par les régulières et multiples secousses violentes de l’appareil à chaque fois qu’il a pris l’altitude avec eux, engage la responsabilité exclusive de l’état guinéen. Il est également la confirmation tragique et malheureuse des doutes et soupçons avancés par certains officiers sur la fiabilité de l’avion. A partir de là, il urge d’ouvrir une enquête nationale sur la moralité des transactions ayant conduit à l’achat de ce qui n’était finalement qu’un monstrueux tombeau volant. Précédé Des faits qualité emble lever des zones d’ombres sur la monstruosité des transactions liées à l’achat d’un tombeau volant. ——————–

Le chef d’état-major général des armées, le général de division, Souleymane Kèlèfa Diallo et ses 10 compagnons composés d’officiers et sous-officiers ont regagné leur dernière demeure le mercredi 13 février 2013. Sur l’esplanade du palais du peuple où des obsèques nationales ont été organisées à la mémoire des victimes, les guinéens de toutes tendances et de toutes catégories sociales ont tenu à partager les peines des familles des victimes du tombeau volant offert à l’armée guinéenne et prié pour le repos de leur âme. Le président Alpha Condé, lui-même, n’a pu retenir ses larmes ni calmer sa voix dans le discours d’hommage qu’il a rendu à ces 11 militaires dont les cercueils drapés dans le tricolore guinéen étaient exposés en face de l’illustre orateur. Cependant, ni le discours larmoyant du président Alpha Condé, ni le deuil national de trois jours qu’il a décrété, ni la cérémonie grandiose organisée sur l’esplanade du palais en l’honneur des officiers et sous-officiers, ni même l’émotion générale exprimée par les guinéens ne sauraient occulter les vraies questions relatives à l’acquisition de cet appareil qui finalement se révèle humainement trop couteux pour la Guinée. Un cout humain trop au-dessus du supportable pour, comme d’habitude, le faire passer en pertes et profits dans l’immense corbeille de l’oubli national. Sans cette tragédie coupable, on n’aurait même jamais parlé de l’autre aspect couteux de l’appareil, celui des magouilles financières entravant davantage les principes régissant les opérations de l’état. Financièrement couteux ? Selon des indiscrétions, cet hélicoptère militaire a été facturé à 12 millions de dollars us au contribuable guinéen, alors que des vrais avions de trafic de grande capacité sont disponibles à un prix infiniment moindre. Avec ce crash tragique, l’un expliquant l’autre ou l’un soulevant l’autre, les observateurs aujourd’hui sont dans l’obligation de s’appesantir sur les conditions d’acquisition de cet appareil que certains témoignages qualifient de véritable tombeau volant. L’on se souvient que le président Alpha Condé, nouvellement installé dans ses fonctions de chef de l’état, a fait de la réforme de l’armée l’une de ses actions prioritaires. Renverser la tendance, enrayer le désordre qui s’y était installé, instaurer la discipline, maitriser l’effectif, doter l’armée des moyens et équipements modernes de travail etc. étaient entre autres les grands chapitres de cette réforme. Louable programme en soit. Ainsi, en novembre 2011, lors de la célébration de la date anniversaire de la création de l’armée, le nouveau président de la République a procédé à la remise d’un hélicoptère militaire à l’aviation militaire. Ce jour, le président Alpha Condé, dans un discours aux accents euphoriques, a indiqué que certains officiers supérieurs étaient contre l’achat de l’appareil qu’il offrait, que pour ceux-ci l’avion en question n’était pas fiable. ‘’Mais, affirmait-il, ce n’est qu’un début, d’autres mesures vont suivre’’ s’était engagé le président Alpha Condé. Replacé dans le contexte d’aujourd’hui, celui du post-crash, ce discours présidentiel a valeur de révélation. Une révélation qui suscite des questions sinon des doutes sur la moralité de la transaction autour de l’achat de l’appareil. A ce titre, et pour que la vérité jaillisse, il serait important aujourd’hui d’ouvrir une enquête sur les conditions d’acquisition de l’avion militaire. Et les questions que les enquêteurs devraient poser sont multiples. Il serait par exemple intéressant que le président de la République explique pourquoi certains officiers supérieurs étaient hostiles à l’achat de l’avion ? Pourquoi n’ont-ils pas été écoutés ? Quel était l’état et la nature réelle de l’appareil ?
D’autre part, à quel prix l’appareil a-t-il été acheté ? Le montant était-il inscrit au budget du ministère de la défense dans la loi de finances 2011 ? Un appel d’offres ouvert ou restreint a-t-il été lancé ? Au cas contraire, quel réseau a négocié ou acheté l’appareil ? Quelle utilité ou urgence avait de doter l’armée de l’air d’un hélicoptère supplémentaire et à un cout si élevé ?
Pour tous les spécialistes, la Guinée n’étant ni en état de guerre ni menacée, rien ne justifiait cet empressement. Surtout que le pays, totalement enclavé depuis la mort programmée d’air Guinée, a des besoins express en matière de compagnie aérienne. Toutes ces questions et beaucoup d’autres mériteraient d’être posées et répondues. En attendant les résultats de l’examen des boites noires qui nous situeront sur les circonstances et d’autres détails liés à ce tragique crash qui a plongé la Guinée dans le deuil national. Cette nécessaire enquête que les leaders d’opinion devraient exiger du pouvoir public déterminera et situera en amont et en aval les responsabilités dans ce drame national. Beaucoup d’experts accusent directement et parlent carrément de ‘’crime d’état’’ en égrenant la longue liste des alertes observées dans de multiples déplacements de l’avion. A chaque fois que les membres du gouvernement sont montés à bord, ils ont constaté des déséquilibres graves au niveau de l’avion. La dernière alerte date du vendredi (08 février) précédant le lundi (11 février) noir. Ce jour, l’appareil balancé sous l’effet de fortes secousses, sur le trajet Kankan – Conakry, a miraculeusement échappé au crash, donnant des sueurs froides à ses passagers à bord dont un certain Mohamed Said Fofana, qui n’est autre que le Premier ministre guinéen. Le même appareil, toujours avec le même premier ministre et des membres du gouvernement à bord, de retour d’un meeting de mamaya à l’intérieur du pays, a été obligé de débarquer d’urgence ses passagers à Coyah où il a atterrit en catastrophe avant même d’atteindre Conakry. Plusieurs ministres d’une délégation gouvernementale dont celui de l’intérieur, Alhassane Condé, revenant de la zone minière de Zogota (N’Zérékoré) où des affrontements meurtriers avaient opposé militaires et villageois de la localité, s’étaient réfugiés dans le silence et le recueillement individuel sur tout le long du trajet persuadés que l’avion, ballotant dans tous les sens, allait chuter avant d’atteindre Conakry. Nombreuses étaient des personnalités qui se cachaient dès qu’il était question d’effectuer une mission pour éviter ce qui à leurs yeux n’était rien d’autre désormais qu’un tombeau volant. A partir de là, la négligence manifeste des décideurs frise une certaine passivité coupable sinon le crime d’état. Sur tous ces aspects, les guinéens devraient être situés par une enquête tous azimuts susceptibles de déterminer les degrés d’implication dans ce double scandale humain et financier. En tant que président de la République en fonction, le mérite de cette initiative devrait revenir à Alpha Condé. En intégrant qu’un tel drame humain ne saurait être oublié. Car l’indécence collective nationale serait de fermer les yeux et laisser des personnes opportunistes prospérer dans le sang des 11 âmes victimes de leur cupidité. Pour ne pas que ces officiers ne soient sacrifiées à des intérêts égoïstes mesquins, la balle est dans le camp du président Condé. Sinon, le crime d’état sera consommé.

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