La justice française a rendu un avis favorable à la demande d’extradition du petit frère de Blaise Compaoré vers le Burkina Faso dans le cadre de l’enquête sur l’assassinat de Norbert Zongo. Mais ce dernier ne devrait pas être extradé de si tôt, car sa défense dispose encore de plusieurs recours judiciaires pour contester cette décision.

Timing symbolique pour une décision historique. Quelques jours avant la vingtième commémoration de l’assassinat de Norbert Zongo et de ses trois camarades, le 13 décembre 1998, la chambre d’instruction de la cour d’appel de Paris a rendu le 5 décembre un avis favorable à la demande d’extradition de François Compaoré vers le Burkina Faso.

« Nous avons beaucoup entendu les membres du clan Compaoré dire qu’il n’y avait rien dans ce dossier. La chambre d’instruction de la cour d’appel vient de montrer le contraire. Nous sommes donc contents de cette décision, même s’il ne s’agit que d’une étape », a réagi Me Anta Guissé, l’avocate de l’État burkinabè dans cette affaire.

Pourvoi en cassation

En France depuis la chute de son frère aîné, Blaise Compaoré, en 2014, le « petit président » ne devrait en effet pas être extradé vers Ouagadougou dans les mois à venir. Sa défense va utiliser plusieurs recours judiciaires, à commencer par le pourvoi en cassation, pour contester cette décision.

Son avocat, Me Pierre-Olivier Sur, entend surtout suspendre la procédure en cours contre son client grâce à sa plainte avec constitution de partie civile déposée à Paris contre le juge d’instruction burkinabè Émile Zerbo pour « faux et usage de faux en écriture publique ». Le conseil de Compaoré accuse en effet le magistrat chargé de l’enquête au Burkina d’avoir volontairement modifié le procès-verbal d’un témoin transmis à la justice française.

CE N’EST QU’À L’ISSUE DE CETTE PROCÉDURE QUE LA QUESTION DE L’EXTRADITION ET DE SON EXÉCUTION SE POSERA, SOIT PAS AVANT 2020 OU 2021

« La chambre d’instruction a reconnu le bien fondé de notre plainte dans son arrêt. Il n’y a donc pas d’autre issue à ce dossier que de passer par la mise en examen de ce juge burkinabè pour des faits criminels et, peut-être, par son audience devant les assises à Paris, a estimé Me Sur. Ce n’est qu’à l’issue de cette procédure que la question de l’extradition et de son exécution se posera, soit pas avant 2020 ou 2021. »

Gagner du temps avant la présidentielle de 2020

En bref, la défense de François Compaoré cherche à gagner un maximum de temps, au moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle au Burkina Faso, prévue en novembre 2020.

SES AVOCATS SAVENT QU’IL N’Y ÉCHAPPERA PAS, DONC ILS S’ATTAQUENT AU JUGE D’INSTRUCTION BURKINABÈ POUR BLOQUER LA PROCÉDURE EN COURS

« À travers cet avis favorable, la justice française estime que François Compaoré doit être extradé vers le Burkina. Ses avocats savent qu’il n’y échappera pas, donc ils s’attaquent au juge d’instruction burkinabè pour bloquer la procédure en cours », analyse Aly Traoré, porte-parole du Balai citoyen en France.

Voilà des années que les magistrats burkinabè en charge de l’enquête sur l’assassinat de Norbert Zongo et de ses compagnons souhaitent entendre François Compaoré sur cette affaire, dont il est considéré comme le principal suspect. Visé par un mandat d’arrêt international émis par Ouagadougou, il avait été interpellé le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy-Charles de Gaulle, à Paris, à son retour d’un voyage à Abidjan.

Selon ses avocats, son placement sous contrôle judiciaire en France est désormais levé, ce qui le rend à nouveau pleinement libre de ses mouvements.

JA