La question des responsabilités du sort tragique des migrants est désormais posée après la découverte d’un marché aux esclaves à Tripoli en Libye. Beaucoup s’accordent à dire que les pays européens et les pays africains sont tous responsables pour partie de cette situation.

Le scandale des migrants vendus en Libye continue de susciter des réactions en cascade. Après l’indignation, une question : à qui la faute ? Depuis la diffusion par CNN d’un reportage montrant des migrants d’origine subsaharienne vendus en Libye, des voix s’élèvent contre la politique migratoire européenne. Mercredi, le président en exercice de l’Union africaine, le chef de l’Etat guinéen Alpha Condé, a estimé que les Européens n’auraient pas dû confier la prise en charge de ces personnes à la Libye.

Un avis partagé par le docteur Paul Kananura, président de l’Institut Mandela, un think tank parisien promouvant notamment l’unité africaine : « La Libye ce n’est pas un Etat, il n’y a aucun gouvernement en Libye. Le gouvernement d’union nationale, c’est une farce, il ne contrôle rien. Le trafic d’esclaves, le développement de l’islamisme radical… c’est un pays qui est contrôlé par 1 700 groupes de milices, dont à peu près une centaine de groupes jihadistes. Donc, ce n’est pas un Etat. Comment on peut confier la gestion des êtres humains, la gestion de l’immigration, à Etat sans droit ? C’est impossible. »

Pour sa part, le ministre de l’Intégration africaine et des Ivoiriens de l’extérieur accueillait, ce jeudi soir à Abidjan, plus de 300 immigrants clandestins ivoiriens revenus de leur terrible périple en Libye. Et pour le ministre Ally Coulibaly, les torts sont partagés entre responsables européens et africains dans ce drame : « Ne faisons pas porter à l’Occident la responsabilité de ce qui se passe. Nous aussi, pays africains, nous avons une responsabilité ! Il faut que nous créions les conditions d’épanouissement des jeunes en Afrique, pour éviter qu’ils ne soient tentés d’aller voir ailleurs, qu’ils ne pensent que l’herbe est plus verte dans les pays occidentaux. Mais ce que nous constatons, c’est qu’il y a des réseaux de passeurs en Côte d’Ivoire en relation avec d’autres trafiquants, dans d’autres pays. Et donc, il faut absolument avoir une politique de démantèlement des réseaux, ces réseaux de mafieux qui vivent de cette traite des êtres humains. »

Les dirigeants africains interpellés

Même avis pour le président de la Commission de l’Union africaine, Moussa Faki Mahamat. Mais l’Afrique n’est pas non plus la seule responsable selon lui, les torts sont partagés avec l’Union européenne.

Pendant ce temps, sur le continent, des voix s’élèvent pour interpeller les dirigeants africains. Et parmi elles, celle de l’activiste politique tchadien Abdelkérim Yacoub, coordonnateur du mouvement citoyen PACT et signataire d’une pétition pour l’abolition de l’esclavage : « Ce n’est pas à l’Union européenne et à la France de toujours proposer des solutions. Non. Ce temps-là doit être révolu. C’est à l’Afrique, aux dirigeants africains, de penser comment endiguer cette situation désastreuse de la jeunesse africaine. C’est grave. Donc, cette gravité de la situation incombe la responsabilité à nos dirigeants. Et c’est à eux de proposer des solutions. L’Union européenne et la France doivent être des partenaires qui s’appliqueront à aider l’Afrique à stopper ses problèmes. Ce n’est pas à l’Europe de faire. L’Europe protège ses frontières, c’est tout à fait normal. Mais l’Afrique doit aussi protéger sa population, sa jeunesse et ses frontières, sans tout le temps demander, quémander ou rejeter la responsabilité sur les autres. »

À Paris, le président Macron a annoncé que la France avait initié une démarche au sein du Conseil de sécurité des Nations unies devant conduire à des résolutions concrètes.


■ Baisse des arrivées en Europe via la Libye

Une forte baisse des arrivées de migrants en Europe via la Libye a été enregistrée au troisième trimestre 2017. Le nombre de personnes traversant la Méditerranée de la Libye vers l’Italie est passé de 11 500 à 6 300, entre juillet et septembre. Ils sont 21 700 sur l’ensemble du semestre, selon Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés qui vient de publier un rapport. Il s’agit du chiffre le plus bas pour cette période, en quatre ans.

SOURCE RFI