« Un accord entre votre groupe et les Guinéens irait dans ce sens (…) »
Le Point » publie un e-mail de 2009 montrant comment l’ex-¬secrétaire général de l’Élysée mélangeait pouvoir, famille et business…
« Cher Oleg ». C’est par cette formule amicale que Claude Guéant, secrétaire général de l’Élysée, s’adresse au magnat russe de l’aluminium Oleg Deripaska. Dans le courrier électronique daté d’octobre 2009 que Le Point s’est procuré, l’éminence grise de Nicolas Sarkozy suggère au milliardaire de rencontrer son gendre, le banquier Jean-Charles Charki, pour qu’il fasse affaire ensemble. Le « Rockefeller russe », comme certains le surnomment, est alors en bisbille avec l’État guinéen à propos d’une gigantesque usine d’aluminium, la plus grande d’Afrique. Le complexe industriel de Friguia, racheté trois ans plus tôt lors de sa privatisation, aurait été sous-payé par RusAl, le groupe de Deripaska. En guise de réparation, Conakry réclame à l’homme d’affaires un milliard de dollars. Pour défendre au mieux ses intérêts dans ce dossier sensible, l’État guinéen s’est offert les services du gendre du grand manitou de l’Élysée.
Dans son courrier électronique, Claude Guéant va droit au but : « Je suis convaincu que nous bénéficierons tous d’une normalisation de la situation dans tous les domaines. Un accord entre votre groupe et les Guinéens irait dans ce sens », écrit l’homme fort du Château. Et le secrétaire général, qui signe d’un simple « Claude », de suggérer au « cher Oleg » de rencontrer son gendre. Comme le montre l’en-tête de l’e-mail, Jean-Charles Charki a lui-même préparé le texte pour son beau-père et l’a transféré à Nathalie, l’assistante de Claude Guéant, pour qu’elle l’envoie à Deripaska depuis son adresse électronique élyséenne.
Le courrier électronique révélé par Le Point montre que Claude Guéant avait déjà glissé dans le mélange des genres lorsqu’il était au pouvoir. Au faîte de sa puissance, le secrétaire général de l’Élysée ne s’encombrait guère de précautions pour défendre les intérêts des siens. C’est sans complexe qu’il surveille l’avancée des négociations entre son gendre et Oleg Deripaska, milliardaire à la réputation trouble.
Cet ancien proche de Boris Eltsine a fait fortune dans les années 1990 en prenant le contrôle d’un joyau de l’aluminium russe, après une guerre sans merci qui fera des dizaines de morts. Deripaska a toujours nié avoir été mêlé à l’hécatombe, de même qu’il a toujours réfuté les liens qu’on lui prêtait avec l’ex-parrain de la mafia moscovite Aton Malevki. Après la crise financière de 2008, l’homme le plus riche de Russie voit sa fortune fondre. Son groupe, plombé par une dette de plusieurs milliards, est au bord de l’asphyxie. À la recherche d’argent frais, Deripaska a-t-il bénéficié d’un coup de pouce pour se montrer conciliant en Guinée, comme le lui demandait Claude Guéant ? Déjà éclaboussé par plusieurs affaires judiciaires, l’ancien préfet sera-t-il rattrapé par « une affaire Deripaska » ?

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