On craignait que la victoire de José Mario Vaz à la présidentielle bissau-guinéenne ne provoque des remous. Or un gouvernement d’union avec l’opposition est en vue, et l’état-major agrée. Pourvu que ça dure !
En matière électorale, la Guinée-Bissau pourrait emprunter au footballeur anglais Gary Lineker cet adage : "Le football est un jeu simple : 22 hommes courent après un ballon pendant quatre-vingt-dix minutes, et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent." En effet, à une exception près depuis l’avènement du multipartisme, quel que soit le nombre de partis ou de candidats en lice, c’est le PAIGC qui gagne à la fin. Une fois encore, le Parti africain pour l’indépendance de la Guinée et du Cap-Vert a dominé les élections générales. Après la victoire de la liste conduite par le président du parti, Domingos Simões Pereira (DSP), aux législatives du 13 avril (57 sièges sur 102 à l’Assemblée nationale), José Mario Vaz, "Jomav", 57 ans, est venu parachever la victoire de l’ancien mouvement de libération en remportant l’élection présidentielle avec 61,9 % des suffrages – d’après les résultats provisoires -, contre 38,1 % pour son concurrent, Nuno Gomes Nabiam, soutenu par le Parti de la rénovation sociale (PRS, deuxième force politique du pays) et l’état-major de l’armée.
12 millions de dollars détournés
Si le nouveau président affiche un profil relativement lisse, son parcours, dans le contexte singulier de la Guinée-Bissau, recèle néanmoins quelques aspérités susceptibles de replonger, à terme, le pays dans l’impasse. D’un côté, Jomav bénéficie d’une réputation de gestionnaire rigoureux, acquise à la mairie de Bissau à partir de 2004, puis en tant que ministre des Finances de Carlos Gomes Júnior, de 2009 à 2012. Ancien responsable de la chambre de commerce ayant fait fortune dans la vente de matériaux de construction, ce Manjak réputé raide, voire cassant, s’est présenté pendant la campagne comme un candidat "propre" ayant toujours servi les institutions avec "sérieux" et dans la "transparence". Une réputation que l’affaire des 12 millions de dollars d’aide budgétaire angolaise, qu’il est accusé d’avoir détournés, n’aura apparemment pas entamée. Pour l’heure, il est bien délicat de savoir si cette "casserole", qui a failli lui coûter l’invalidation de sa candidature, relève d’une cabale ou d’une bombe judiciaire à retardement.
D’un autre côté, son compagnonnage avec l’ex-Premier ministre Carlos Gomes Júnior, alias "Cadogo" – la bête noire des militaires depuis que son allégeance à la Communauté des pays de langue portugaise et à l’Angola a fâché les Forces armées de Guinée-Bissau et contrarié la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) -, peut susciter la défiance de l’armée. En raison de la cassure entre le PAIGC et l’armée, Jomav aura fort à faire pour concrétiser l’une de ses promesses de campagne : permettre au nouveau Premier ministre, son camarade DSP, d’aller au terme de son mandat de quatre ans, du jamais-vu à Bissau.
"Ce qui a changé depuis le coup d’État de 2012, c’est que la crise institutionnelle a entraîné une implication et des pressions internationales très fortes", analyse Vincent Foucher, de l’International Crisis Group (ICG). Il est vrai que, depuis deux ans, le pays, devenu exsangue, ne peut plus se permettre d’indisposer la communauté des bailleurs de fonds. Après avoir brièvement contesté les résultats, Nabiam a reconnu sa défaite, tandis que le PAIGC annonçait qu’il allait constituer un gouvernement d’union avec le PRS. Quant au puissant chef d’état-major, Antonio Indjai, il a affirmé qu’il entendait "respecter le verdict des urnes". À Bissau, jusqu’ici, tout va bien.
JA