Ils ne sont que 18 mais incarnent un symbole fort: les gendarmes en uniforme bleu, qui patrouillent désormais quotidiennement à Bria, ville diamantifère du centre de la Centrafrique, montrent que l’Etat tente de reprendre peu à peu le contrôle de ce fief de l’ex-rébellion Séléka.
Lorsqu’il entre dans Bria début avril à la tête du détachement de la force française Sangaris dans cette région, le colonel Jean-Bruno Despouys voit "des hommes en armes partout", explique-t-il à l’AFP.
Avec le déploiement de Sangaris, beaucoup de ces armes ont disparu. Les anciens maîtres de la ville ont été apparemment cantonnés. Mais ils déambulent toujours en ville, tiennent les quartiers et le font savoir.
Au coeur de la RCA, Bria, capitale du diamant centrafricain, est un fief de la Séléka. L’ex-rébellion (au pouvoir de mars 2013 et janvier 2014) avait entamé son offensive éclair sur Bangui fin 2012 en prenant cette ville de 75. 000 habitants, avant d’en faire sa base arrière.
L’électricité n’est plus aujourd’hui qu’un lointain souvenir dans la cité, majoritairement musulmane, et où des milliers de déplacés sont arrivés ces derniers mois, fuyant les violences à Bangui et dans le sud du pays.
Seules les dizaines d’échoppes de diamantaires rappellent l’immense potentiel du sous-sol et les nombreux gisements dans les brousses environnantes. Sur la "RN5", la principale avenue qui traverse Bria, femmes couvertes du voile islamique ou au crucifix en sautoir marchent côte-à-côte, dans un semblant de normalité. La ville tout entière est organisée autour de cette longue artère de latérite rouge cernée de majestueux manguiers, où patrouillent, l’arme au poing, les militaires de Sangaris et de la force africaine.
Les anti-balaka (milices à majorité chrétienne constituées en réaction aux exactions de la Séléka) sont pour l’instant coincés à Grimari, à 300 km à l’ouest de Bria.
Ici, on ne s’aventure à parler politique qu’à voix basse. Les habitants qui acceptent de témoigner requièrent l’anonymat. Les regards sont souvent hostiles aux rares Occidentaux présents. Plusieurs hommes, en civil mais très bien renseignés, menacent l’équipe de l’AFP: "On ne veut pas de journalistes ici", lance un homme à moto et vêtu d’une djellaba.
-"Chape de plomb"-
"On est dans une phase de retour progressif à la normale, durant laquelle chacun regarde un peu l’autre, dans une zone sous fort contrôle des ex-Séléka", explique le colonel Despouys.
"Le travail que la Sangaris et la Misca sont en train de faire, c’est la restauration de l’Etat", observe Robert Morgodé, préfet de la Haute-Kotto, dont Bria est le chef-lieu. "Ca se fait étape par étape. "
Première étape, le retour des gendarmes. L’administration civile devrait suivre. La Séléka affirme qu’elle jouera le jeu.
"Nous avions pris les armes pour exprimer aux autorités du gouvernement déchu (le régime du président François Bozizé renversé en mars 2013) que nous étions abandonnés", se souvient Hamad Hamadin, un porte-parole local de l’ex-rébellion.
"Nous n’allons pas nous-mêmes rester au pouvoir", assure-t-il. "Nous sommes sous un nouveau régime. Nous attendons les directives de Bangui" où un gouvernement de transition a remplacé au début de l’année le régime de la Séléka.
Avec le retour de l’Etat, beaucoup espèrent une reprise du commerce du diamant, qui faisait vivre avant-guerre près d’un quart de la population du pays, avec une production annuelle -réputée pour la qualité de ses gemmes- d’environ 350. 000 à 400. 000 carats.
Mais les habitants sont circonspects. L’un d’entre eux, chrétien, prétend que les ex-rebelles, pro-musulmans, pillent encore les caisses de l’administration locale.
Il dénonce leur double discours. "Quand les Sangaris sont venus, ils (les Séléka) ont interdit aux populations de s’approcher d’eux", raconte-t-il.
"Ils avaient peur qu’on se plaigne, qu’on collabore, qu’on les trahisse", commente un autre habitant.
"Ces derniers mois, ils ont dû tuer bien plus d’une centaine de personnes. Un jour, on apprenait qu’on avait retrouvé deux ou trois corps. Trois jours plus tard, on en découvrait cinq ou six. . . ", Ajoute-t-il.
La Séléka nie toute exaction, tout comme les autorités municipales qu’elle contrôle, selon un ancien fonctionnaire. "La ville a vécu seize mois sous une chape de plomb", constate un observateur.
Aujourd’hui, les anciens rebelles sont divisés en deux groupes, selon le préfet.
"Il y a les fils de notre pays", favorables au désarmement, et les non-Centrafricains qui, ayant pris part à la rébellion, "n’ont rien à attendre du désarmement" et "poussent les autres à résister", déplore-t-il.
Ces derniers avanceraient même l’idée d’une partition du pays, dont le nord, plus riche, reviendrait aux musulmans, selon le haut fonctionnaire, qui accuse : "le malheur de Centrafrique vient souvent du Soudan et du Tchad".
JA

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