La presse algérienne s’interroge après la reconduction du président sortant pour un quatrième mandat : que va-t-il se passer ?

Pour le quotidien Liberté, « la présidentielle 2014 ressemble à un paradoxe avec des vainqueurs des deux côtés et une grande incertitude. Un président confortablement élu dans un scrutin largement boycotté. Une donne et un handicap pour son nouveau mandat. L’opposition a aussi gagné en capitalisant l’abstention. Le perdant est l’Algérie, plongée dans l’incertitude dès le jour d’après. »

Alors, s’interroge Liberté, « que va faire Bouteflika, élu à plus de 80 %, mais seulement de la moitié du corps électoral ? Va-t-il continuer sur la trajectoire des trois premiers mandats et avec le même personnel ? Va-t-il composer, contraint par la donne de son poids électoral amoindri, avec l’opposition reconfigurée ? Tout au moins aller dans le sens d’une large ouverture pour créer un nouveau consensus ? Ou se résignera-t-il à rester otage de sa propre logique ? Rien n’est sûr,répond le journal, mais Bouteflika ne devrait logiquement concéder aucune once de son pouvoir qu’il s’est échiné quinze ans durant à bâtir. »

Liberté qui s’interroge aussi à propos de l’opposition : « En face, le perdant Benflis, encore sous le choc, prépare sa croisade à la reconquête de sa victoire dont il dit être spolié. Comment ? En continuant à se battre, répond le journal. Mais sous quelle forme ? La mobilisation, mais peut-être aussi en créant un parti qui serait une alternative pour précipiter la fin du FLN. Au plan symbolique, cette perspective ébauchera le véritable changement avec un inversement des rapports de force. Pari possible », estime Liberté.

La presse bouc émissaire ?

En tout cas, prévient Le Quotidien d’Oran, dans l’immédiat, pas question que le pouvoir s’en prenne aux médias… « Le régime ne sort pas renforcé au lendemain du 17 avril, constate le quotidien oranais. La crise est toujours là et la tentation sera forte de l’occulter en s’en prenant aux médias. Et ce serait une bataille d’arrière-garde, avertit le journal. L’Algérie donne déjà aujourd’hui l’image d’être un pays piégé par un système très brejnévien, figé et rigide, alors qu’une bonne partie de sa jeunesse est branchée sur les réseaux sociaux. L’Internet a complètement bousculé une campagne électorale que les partisans du statu quo croyaient pépère. Et un verrouillage musclé des médias récalcitrants – pour qui l’on rallumerait les “feux rouges” – au profit des médias “amis” serait totalement contreproductif. »

Et Le Quotidien d’Oran de conclure : « Le régime, c’est une évidence, ne résoudra pas sa crise en muselant les médias. Et encore moins en ignorant les appels convergents et pressants à tourner la page d’une gouvernance obsolète. Ceux qui sont au pouvoir feraient une lecture complètement erronée de la “formalité” électorale s’ils pensent résoudre les problèmes par un verrouillage encore plus grand. »

Dans l’immédiat également, problème pratique soulevé par le site Algérie Focus :« Abdelaziz Bouteflika doit prêter serment devant les Algériens cette semaine, mais comment ? » En effet, relève le site, selon la constitution, « le président élu doit prêter serment devant le peuple et en présence de toutes les hautes instances de la Nation, dans la semaine qui suit son élection. » Et cela, en principe, de vive voix… « Or, s’interroge Algérie Focus, le président qui a, certes, parlé mais jamais en direct et durant un laps de temps très réduit, pourra-t-il déclamer un texte qui lui demandera de s’exprimer en continu durant au moins trois minutes ? »

Durcissement ?

Toujours est-il que les premières décisions du nouveau pouvoir vont dans le sens du durcissement, note Le Matin. « Les lendemains de l’immense mascarade électorale commencent très mal, estime le quotidien en ligne. Le pouvoir des Bouteflika vient d’interdire toute manifestation pour la reconnaissance de l’identité amazighe », à savoir les marches traditionnelles qui commémorent chaque année le printemps berbère de 1980.« Bouteflika IV est un rouleau compresseur répressif, s’exclame Le Matin. Il vient d’entamer son déchainement. (…) A bas la répression ! »

Enfin ce commentaire du quotidien Le Pays au Burkina : « Pendant que le principal adversaire de Bouteflika, Ali Benflis, dénonçait une fraude généralisée dans le pays, la France de François Hollande, souhaitait plein succès à Boutef réélu pour un quatrième mandat. On se demande si cette dénonciation de fraude par Ali Benflis ne sera pas comme de l’eau sur les plumes d’un canard. En tout cas, les chances d’Ali Benflis de changer la direction de la roue sont minces. Cela est d’autant plus évident, relève Le Pays, que des pays dits démocratiques comme la France ou les Etats-Unis n’ont pas daigné dénoncer la grande parodie d’élection en Algérie. »

RFI

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