Lansana Kouyaté est ancien Premier ministre, Bah Oury, lui, est vice-président du principal parti d’opposition. Leur point commun : ils se posent en adversaires irréductibles du président Alpha Condé. Lansana Kouyaté et Bah Oury ne se ressemblent pas. Le premier, ancien Premier ministre de Lansana Conté et patron du Parti de l’espoir pour le développement national (PEDN), est un hâbleur prolixe et chaleureux. Le second, fondateur et vice-président de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG, principal parti d’opposition), est discret et posé. Pourtant, ces deux figures politiques ont un point commun : ils veulent s’affirmer comme les seuls véritables opposants au président Alpha Condé, au pouvoir depuis décembre 2010.
Si l’ancien Premier ministre a été élu député, il refuse de siéger au sein de la nouvelle Assemblée nationale, dominée par des partis fidèles au pouvoir (60 sièges pour la majorité, 54 pour l’opposition). Vieux routier de la politique, le vice-président de l’UFDG n’a, quant à lui, même pas pris part au scrutin législatif, estimant qu’il était vicié.
L’un et l’autre ont des raisons personnelles d’en vouloir au régime. Accusé d’avoir participé à l’organisation de l’attaque armée contre la résidence du président Alpha Condé, les 18 et 19 juillet 2011, Oury a fui la Guinée pour la France. Dans la ville d’Albi (dans le sud de la France), où il est exilé, il clame toujours son innocence et rejette sa condamnation à la prison à perpétuité. En plus de leurs divergences d’orientation, l’opposant reproche à Cellou Dalein Diallo, l’actuel président de l’UFDG, de ne l’avoir pas suffisamment soutenu dans cette épreuve. De son côté, Lansana Kouyaté, installé à Conakry, affirme avoir été spolié lors des législatives dans son fief de Haute-Guinée. Dans sa ville natale de Kouroussa, au coeur du fief électoral qu’il partage avec Alpha Condé, son parti n’a obtenu officiellement que 2 % des voix.
Selon Kouyaté et Oury, le calendrier électoral ne sera pas respecté
Chacun dénonce la reddition de l’opposition face au pouvoir. En particulier celle de Cellou Dalein Diallo. "Les députés de l’opposition qui ont décidé de siéger n’ont pas la moindre influence sur quelque sujet que ce soit. D’autant plus que la majorité simple suffit pour faire passer les lois. Déjà, des divisions les minent. Lors de l’élection du président de l’Assemblée nationale, Tofanny Marie-Anne Fofana, la candidate de l’UFDG, aurait dû rassembler les suffrages de toute l’opposition. Elle n’a obtenu que 48 voix sur les 54 qui auraient dû lui revenir", s’indigne Lansana Kouyaté.
"Ils ont capitulé face au pouvoir ! déplore Oury. Comment peut-on envoyer des jeunes se faire tuer dans les rues pour réclamer une refonte du système électoral et accepter de siéger ? C’est incohérent et criminel", poursuit-il.
Kouyaté et Oury ont tourné la page des législatives et ont désormais les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales, même s’ils se disent inflexibles quant aux conditions de leur organisation. Selon eux, le calendrier électoral actuel, qui prévoit des municipales au premier semestre, et surtout une présidentielle d’ici à la fin de l’année, ne sera pas respecté. "Ce point n’a toujours pas été réglé et nous n’avons pas confiance. Condé va continuer de jouer la montre. Les législatives se sont tenues avec deux années de retard. Il sera tenté de jouer la même stratégie pour les municipales et la présidentielle", pronostique le vice-président de l’UFDG.
Kouyaté est du même avis : "Le calendrier prévu n’est pas tenable. Quand les dates précises des élections seront annoncées, je consulterai ma base, et nous déciderons si nous boycottons."
En exil forcé, Oury, qui espère prochainement rentrer au pays, ne cache pas son intention d’être candidat à la présidentielle de 2015. Même si, pour cela, il doit rompre avec Cellou Dalein Diallo, avec qui il n’a plus dialogué depuis juin 2013. "Ne soyez pas surpris si je me lance dans la course", prévient-il.
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