élevée. Et voilà que deux anciens amis gendarmes mettent en branle la justice militaire…
Pas de trêve estivale au Sénégal. Pas même sur les campus -traditionnellement endormis en août- où un étudiant vient de perdre la vie, après des échauffourées, jeudi, avec les forces de l’ordre. Les décisions de justice, elles, ne se ressemblent pas, mais elles se suivent, faisant grincer quelques dents. Dans le dossier Karim Wade, le début de semaine verra tout à la fois un délibéré de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (CREI) et une décision de la Cour suprême. Le feuilleton devrait se prolonger, nourri par un éventuel rebondissement sur l’état de santé d’Ibrahim Aboukhalil, alias Bibo Bourgi. La CREI accélère la cadence sur un autre dossier, celui d’Abdoulaye Baldé, maire "wadiste" de Ziguinchor. L’étau se resserre et une mise sous mandat de dépôt serait envisagée. L’ambiance n’est pas plus détendue dans d’autres mairies de province.
Jeudi dernier, la Cour d’appel de Saint-Louis invalidait l’élection, à Podor, de la socialiste Aissata Tall Sall, au bénéfice de l’homme d’affaires Racine Sy. La déchue déçue y voit un complot ourdi par le Premier président de la Cour d’Appel de Saint-Louis, Taïfour Diop, qu’elle voudrait voir "extirpé comme un virus du système judiciaire". Chaude ambiance…
Chaude ambiance qui envahit maintenant les corps habillés. Un double brûlot du colonel de gendarmerie Abdoulaye Aziz Ndaw apparaît comme un coup de pied dans une fourmilière dont devra se saisir la justice. Militaire cette fois. Et dans cette affaire, un Abdoulaye peut en cacher un autre…
Combat titanesque
"Abdoulaye vs Abdoulaye" : le combat de lutte s’annonce titanesque. À droite, le général Abdoulaye Fall, 61 ans, ancien Haut commandant de la gendarmerie de la République du Sénégal, récemment ambassadeur au Portugal. À gauche, le colonel Abdoulaye Aziz Ndaw, 59 ans, ancien commandant en second de la gendarmerie, récemment attaché militaire à l’ambassade du Sénégal à Rome. Le ring ? Un pavé de mots, ou plutôt deux tomes d’un ouvrage, intitulés "La mise à mort d’un officier" et "Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise". L’ex-pandore en second évoque des malversations et met à l’index son ancien patron.
La guerre des tranchées entre gendarmes ne pourra donc plus être étouffée. Le 2 août dernier, le ministère des Affaires étrangères annonce la démission de l’ambassadeur du Sénégal au Portugal. Le général Abdoulaye Fall souhaitait renoncer à ses fonctions diplomatiques pour "donner suite aux accusations portées contre sa personne dans un livre rendu public par un colonel de la gendarmerie" sénégalaise.
Dans la foulée, l’auteur des accusations, Abdoulaye Aziz Ndaw est rappelé d’Italie par sa hiérarchie, suite à une demande d’explication du Haut commandant de la gendarmerie et directeur de la Justice militaire. Le 13 août, quatre jours après son retour au bercail du gendarme écrivain, son avocat Me Bamba Cissé indique qu’il a été mis aux arrêts, pour 30 jours, à la caserne Samba Diéry Diallo, pour manquement à son obligation de réserve. Pour sa défense, le colonel indique qu’il n’aurait pas étalé le linge sale sur la place publique, si le régime d’un troisième Abdoulaye –Wade– avait donné suite à sa lettre adressée au président de la République le 12 avril 2006. Il y dénonçait, en interne, ce qu’il met aujourd’hui sur la place publique…

Rythme de sénateur
Publié en France, et interdit dans les librairies sénégalaises, le livre "Pour l’honneur de la gendarmerie sénégalaise" a jeté un pavé dans la mare casamançaise. Il évoque des "mensonges, manipulations, népotisme, trafic d’influence" ou "pots-de-vin" dans la gestion de ce dossier sensible. Il revient sur l’assassinat de l’ancien Président du Conseil Régional de Ziguinchor, feu Oumar Lamine Badji. Sans prendre de pincettes, il ose même les termes de "haute trahison, corruption, enrichissement illicite" et de "complicité" avec les indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de la Casamance (MFDC). Accusations que le Colonel Abdoul Aziz Ndaw aurait assumées lors de sa convocation à la justice militaire.
Après celui de Karim Wade, le Sénégal s’offrira-t-il un nouveau procès très médiatisé ?
La balle est désormais dans le camp de l’inspection générale des Forces armées qui enquête sur les allégations du livre. Enquête qui, comme c’est la coutume, devrait se dérouler à un rythme de sénateur. En attendant, la guerre des nerfs a commencé, dans les médias et dans les "maquis" sénégalais, à fleurets peu mouchetés. Si certains reconnaissent à l’écrivain gendarme son audace, sa ténacité, son indépendance vis-à-vis de l’establishment et une parfaite maîtrise des rouages de son corps militaire, d’autres tentent de le discréditer. La plume n’aurait été mue que par l’aigreur de ce colonel limogé, en 2007, de son poste de numéro 2 de la Gendarmerie ; lui qui se serait bien vu général et haut-commandant et qui eut le sentiment de vivre une traversée du désert qui sera la trame du livre "La mise à mort d’un officier". Ce colonel au "tempérament de feu" serait craint autant qu’admiré, "taciturne" et "imprévisible", voire "parano". Il est surnommé "Thialky", du nom de ce personnage teigneux de bande dessinée. On tente également de démonter son livre en le qualifiant d’imprécis sur certains points, notamment sur les responsabilités formelles dans l’enquête sur le meurtre d’Oumar Lamine Badji.
Au-delà de la psychologie de comptoir, c’est maintenant à la justice d’établir les faits qui peuvent l’être. Avec l’implosion de cette amitié de 30 ans entre deux Abdoulaye, la presse sénégalaise s’accorde à écrire que la boîte de… pandore a été ouverte. "Le Sénégal assis sur une poudrière", titrait ainsi La Tribune. Après celui de Karim Wade, le Sénégal s’offrira-t-il un nouveau procès très médiatisé ?

JA

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