Il y a dix ans maintenant, le 14 mars 2004, la mort venait brutalement arracher à notre affection l’honorable Siradiou Diallo, député à l’Assemblée nationale et président fondateur de l’Union pour le progrès et le renouveau (UPR), l’une des trois formations politiques les plus importantes du pays à cette époque. Aujourd’hui encore, nombreux sont ses amis et compatriotes qui continuent de le pleurer à cause de ses qualités exceptionnelles de dirigeant clairvoyant, d’homme de rigueur et d’abnégation, jouissant de la confiance de tous ses compagnons.

Durant sa longue lutte politique, il demandait à tous ceux qui le côtoyaient de ne jamais se laisser habiter par la haine de l’autre, et comme par prémonition, il recommandait aussi à ses militants de ne pas fonder leur stratégie de conquête du pouvoir sur la mort de quelqu’un, fût-il le pire adversaire, car, ne perdons pas de vue que le général Lansana Conté qui en avait l’exercice dans notre pays, était incurablement affaibli par la maladie.

J’ai eu le bonheur d’approcher Siradiou Diallo, dépeint par ses adversaires les plus irréductibles comme un homme diabolique, responsable de toutes les difficultés de notre pays en son temps, et je l’ai aussi pratiqué sans complaisance. Est-il besoin de rappeler que nos rapports ont démarré sur des auspices tumultueux avant que je ne succombe devant les qualités de ce meneur d’hommes exceptionnel, cultivant l’amour des Guinéens et une saine passion pour la Guinée. Secrètement, il caressait l’ambition de hisser son pays au niveau de la Côte d’Ivoire voisine au plan des infrastructures et des équipements, et peut-être même dépasser celle-ci pour en faire la locomotive de la sous-région.

Pour y parvenir, il savait autant que quiconque qu’il fallait unir et rassembler ses compatriotes sur des valeurs de tolérance, de pardon sur son passé sanglant et de mobilisation de toutes les énergies sans aucune forme de démagogie pour nous consacrer aux questions de développement et de progrès économiques. Ce qui était fascinant chez lui, consistait à ne jamais trancher tant qu’il n’avait pas recueilli plusieurs avis d’hommes et de femmes qui bénéficiaient de sa confiance car, pensait-il sans doute, un homme de pouvoir ne devrait jamais décider dans la solitude.

Siradiou Diallo regrettait que le militantisme des Guinéens dans les partis politiques se fasse sur la base de considérations ethniques et c’est pourquoi, avant la promulgation de la loi sur les formations politiques en 1991- 92, il souhaitait que la Guinée se limitât seulement à la reconnaissance de trois partis pour éviter la dictature du parti unique, mais également, pour ne pas voir le pays se scinder entre deux appareils antagonistes au regard de la recommandation du bipartisme du comité de pilotage chargé de rédiger la loi fondamentale ou la constitution. Homme de culture et de paix, il l’était véritablement sans jamais céder sur ce qui lui paraissait injuste et parfois accessoire.

Au plan doctrinal, il n’était pas un libéral au sens de l’entendement de l’occident, mais plutôt un démocrate social, et il l’avait confié à un journaliste, un jour: « Mes idées de jeunesse sont socialistes et je n’ai pas fondamentalement changé bien qu’il faille laisser le soin au marché et à l’initiative privée de déterminer la valeur des biens et des services; cependant, l’Etat doit y jouer tout son rôle de régulateur, surtout pour un pays sous développé ». C’était aussi cela l’humanisme de Siradiou Diallo.

A la veille du dixième anniversaire de sa disparition et ne pouvant être présent à Labé cette année pour me recueillir sur son mausolée, je veux dès à présent m’incliner devant sa mémoire tout en souhaitant voir triompher l’essentiel de ses idées dans mon pays.

Sékou Chérif Fadiga

Depuis Paris

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