Un peu partout en Afrique, les gouvernements trahissent les engagements qu’ils ont pris de mettre un terme à la torture. C’est ce qu’a déclaré mardi 13 mai Amnesty International à l’occasion du lancement de sa nouvelle campagne mondiale intitulée Stop Torture. La torture est endémique dans tout le continent – un continent en retard par rapport au reste du monde en matière de pénalisation de cette pratique.
– Amnesty International a dénoncé des cas de torture et d’autres mauvais traitements dans 141 pays au cours des cinq dernières années –
– Selon un sondage réalisé auprès de plus de 21 000 personnes dans 21 pays situés sur les cinq continents, la crainte de la torture existe dans tous les pays étudiés
– Près de la moitié des personnes interrogées craignent d’être torturées en cas d’arrestation
– Elles sont plus de 80%à réclamer des lois réprimant sévèrement la torture
– Plus d’un tiers estime que la torture peut parfois être justifiée
Un peu partout en Afrique, les gouvernements trahissent les engagements qu’ils ont pris de mettre un terme à la torture. C’est ce qu’a déclaré mardi 13 mai Amnesty International à l’occasion du lancement de sa nouvelle campagne mondiale intitulée Stop Torture. La torture est endémique dans tout le continent – un continent en retard par rapport au reste du monde en matière de pénalisation de cette pratique.
Seuls 10 pays africains se sont dotés de lois interdisant la torture, alors même que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui a été ratifiée par tous les États membres de l’Union africaine sauf un, la prohibe expressément.
« Les gouvernements africains n’ont toujours pas pris la mesure du problème, et à plus forte raison n’ont pas commencé à s’y attaquer », a déclaré Netsanet Belay, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour l’Afrique d’Amnesty International.
« L’absence de lois réprimant sévèrement la torture dans la majorité des pays africains fait que cette pratique non seulement perdure, mais qu’elle est florissante. »
Prévue pour une durée de deux ans, la campagne Stop Torture a débuté avec la publication d’une synthèse destinée à la presse, La torture en 2014. 30 ans d’engagements non tenus, qui donne un aperçu de l’usage de la torture dans le monde à l’heure actuelle.
Amnesty International a dénoncé des cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements dans au moins 141 pays au cours des cinq dernières années, dans toutes les régions du monde. Pratiquement tous les pays sur lesquels l’organisation travaille sont concernés.
En 2014, 30 ans après l’adoption par les Nations unies de la Convention contre la torture (1984) – qui engage tous les gouvernements à combattre ce fléau –, Amnesty International constate que la torture reste un problème dans au moins 24 pays d’Afrique sub-saharienne. La torture étant par nature une pratique qui ne se montre pas, il est probable que le nombre de pays affectés est beaucoup plus élevé.
Dans un certain nombre de pays africains, le recours à la torture et à d’autres traitements cruels, inhumains ou dégradants constitue une pratique habituelle et acceptée par beaucoup comme étant une réponse légitime, face à une criminalité violente et élevée.
Selon un sondage mené au niveau mondial par le cabinet Globescan et réalisé parallèlement au rapport de lancement, près de la moitié (44%) des personnes interrogées (dans 21 pays situés sur les cinq continents) craignent d’être torturées en cas d’arrestation par les forces de sécurité de leur pays.
Cette proportion dépasse la moitié des personnes interrogées dans des pays africains comme le Kenya (58%) ou le Nigeria (50%).
Ce sondage indique par ailleurs que près des trois quarts (73%) des Nigérians et plus de quatre Kenyans sur cinq (84%) considèrent que des règles claires doivent être édictées pour lutter contre la torture.
Amnesty International a relevé diverses formes de torture utilisées un peu partout en Afrique. Dans les prisons et les centres de détention, la torture est régulièrement appliquée pour extorquer des « aveux » aux détenus. En Éthiopie, en Gambie, au Kenya, au Mali, au Nigeria, au Sénégal, au Soudan, ou encore au Zimbabwe, les détenus sont roués de coups, attachés dans des positions douloureuses, exposés à des conditions atmosphériques extrêmes, suspendus au plafond ou soumis à des sévices sexuels.
 En Afrique du Sud, des informations ont fait état l’an dernier d’actes de torture à l’électricité et de passages à tabac, qui auraient été commis dans l’enceinte de la prison de haute sécurité de Mangaung, un établissement géré par une société privée.
 En Mauritanie, des tribunaux ont estimé recevables des « aveux » extorqués sous la torture ou d’autres formes de mauvais traitements, même si leurs auteurs s’étaient rétractés par la suite.
 Au Nigeria, la police et l’armée ont recours à la torture de manière routinière. Moses Akatugba avait 16 ans lorsqu’il a été arrêté par des soldats, en 2005. Selon son témoignage, il aurait été roué de coups et les soldats lui auraient tiré une balle dans la main. Il aurait ensuite été remis à la police, quil’aurait pendu par les bras et les jambes pendant plusieurs heures dans les locaux d’un commissariat. Moses affirme avoir été torturé jusqu’à ce qu’il signe des « aveux », reconnaissant avoir participé à un vol. Ses allégations de torture n’ont jamais fait l’objet d’une véritable enquête. En novembre 2013, après avoir attendu huit ans le verdict de son procès, Moses Akatugba a été condamné à mort.
 La torture au Soudan peut notamment prendre la forme d’amputations, imposées à titre de châtiment. En avril 2013, trois hommes ont eu la main droite coupée. Ils avaient été reconnus coupables d’avoir volé de l’huile de cuisine, à l’issue d’un procès au cours duquel ils n’avaient pas eu droit à un défenseur.
 Dans de nombreux pays d’Afrique, les conditions de vie en prison sont inhumaines. La surpopulation est extrême et l’insalubrité chronique. Au Liberia, Amnesty International a pu constater que les prisons souffraient d’une très forte surpopulation, qu’elles n’avaient pas l’eau courante et que les conditions sanitaires y étaient déplorables. Les cellules sont si petites que les détenus sont contraints de dormir à tour de rôle.
Amnesty International appelle tous les gouvernements africains à prendre immédiatement des mesures pour faire de la torture un crime sanctionné par la loi. L’organisation demande en outre aux gouvernements de mettre en œuvre des mécanismes de protection destinés à empêcher que des personnes ne soient torturées et à punir les tortionnaires. Ils doivent notamment veiller à ce que les détenus fassent l’objet d’examens médicaux satisfaisants et aient accès à un avocat dans les meilleurs délais. Ils doivent faire en sorte que les lieux de détention soient inspectés par des organismes indépendants, que les allégations de torture donnent lieu à des enquêtes, que les suspects fassent l’objet de poursuites et que les victimes obtiennent des réparations correctes.
« Les gouvernements africains doivent prendre au sérieux les obligations internationales d’éradiquer la torture », a déclaré Netsanet Belay.
« Il y a 30 ans, Amnesty International était en première ligne de la campagne en faveur d’un engagement de la communauté mondiale contre la torture, d’où est sortie la Convention des Nations unies contre la torture. Il est décourageant de constater, alors que ce traité a été largement ratifié, que seuls 10 pays africains disposent actuellement d’une législation qui réprime la torture et les mauvais traitements. La pratique reste endémique à l’échelle du continent. »
En Afrique, la torture n’est pénalisée que dans les 10 pays suivants :
Algérie
Burundi
Cameroun
Égypte
Guinée équatoriale
Madagascar
Maurice
République démocratique du Congo
Sénégal
Tunisie
13 mai 2014