Le nouveau Haut commissaire de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs), Kabiné Komara, a décliné sa feuille de route pour son mandat à la tête de l’organisation intergouvernementale qui regroupe le Sénégal, le Mali, la Mauritanie et la Guinée. Invité de la Rédaction du Soleil, il a été reçu par le Directeur général Cheikh Thiam, le Coordonnateur général des rédactions, Ibrahima Mbodj et le Rédacteur en chef central Daouda Mané. A travers cet entretien, il fait l’état des lieux de l’organisation et ouvre des perspectives prometteuses pour la structure. Toutefois, il compte inscrire son magistère sur une gestion rigoureuse et rationnelle des ressources dont dispose l’Omvs. Des réalisations en cours, des ouvrages hydro-électriques et de navigation fluviale, jusqu’aux grands chantiers d’avenir, l’ancien Premier ministre de la Guinée dit tout à la rédaction du Soleil.
Présentez-nous l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs).
Beaucoup de gens ne connaissent pas bien l’Omvs. Il y a, dans le monde, près de 120 à 150 organisations de bassins frontaliers. Mais, la plupart des pays autour de ces bassins sont dans des situations de conflit. L’Omvs est une structure unique en son genre dans le monde. Il y a trois principes fondateurs sur lesquels elle est basée. Premièrement, l’ensemble des cours d’eau appartient à tous les Etats, de la naissance jusqu’à l’embouchure. Deuxièmement, il y a la nécessité de dialogue et de concertation. Troisièmement, quand un ouvrage est déclaré commun, il est financé, exploité et géré conjointement. C’est ce qui fait la particularité de l’Omvs. Le barrage de Diama, par exemple, n’est pas que la propriété du Sénégal. Il appartient aussi à la Mauritanie, au Mali… C’est la même chose pour le barrage de Manantali. L’Omvs était appelée, au départ, Organisation des Etats riverains du fleuve Sénégal (Oers). Cette structure est née en Guinée, dans la ville de Labé où s’étaient réunis (les présidents) Sékou Touré, Léopold Sédar Senghor, Mokhtar Ould Dada et Modibo Keita, en 1968. Deux ans après, la Guinée, victime d’une agression militaire, s’était retirée de l’organisation, estimant que le Sénégal serait derrière cette agression. C’était en 1970. L’organisation était ainsi morte. En 1972, les autres pays se retrouvent en Mauritanie pour sauver le fleuve, dans le but d’avoir une source d’eau pour l’irrigation et pour la consommation humaine. Les années 1970 ont été très difficiles pour le Sahel à cause de la sécheresse. Le bétail était décimé et les cultures complètement rabougries. Le fleuve Sénégal, qui était le cordon ombilical entre ces pays, était en danger. L’eau remontait jusqu’à 250 km à l’intérieur des terres. L’Omvs, après sa création, a réalisé de grands ouvrages. Le premier qui est le barrage de Diama, servait à stopper la remontée de l’eau salée, mais aussi à stocker 500 millions de m3 d’eau. 100 % de l’eau potable de Nouakchott et 40 % de l’eau consommée à Dakar viennent de ces lacs. Cette eau permet aussi d’irriguer 150 km d’hectares de terre.
Le barrage de Manantali permet de stocker 11 milliards de m3 d’eau. Ce barrage produit également 200 mégawatts (MW) d’électricité qui font l’objet de répartition entre le Mali, le Sénégal et la Mauritanie. Le Mali prend les 55 % et le reste est partagé entre le Sénégal et la Mauritanie, interconnectés par 1.700 km de réseau électrique. Ce sont de grands acquis. En plus, il existe des activités de protection de l’environnement. Je viens d’hériter cette organisation qui a tenté de se doter d’un schéma directeur d’aménagement du bassin. Nous avons identifié toutes les potentialités énergétiques, hydro-agricoles, de pêcherie, d’élevage avec des ambitions et des défis. Il faut être imaginatif, plus convaincant. L’Omvs a toutefois besoin des Etats, mais aussi de coopération pour faire face aux nombreux défis. Aujourd’hui, c’est une nouvelle équipe de trois personnes qui est à la tête de l’organisation.
Dans quel état se trouve actuellement l’Omvs ?
Sur le plan institutionnel, elle est basée sur des fondements solides. Elle a une bonne réputation auprès des bailleurs de fonds. Au plan humain, il y a des experts de qualité. S’agissant des projets, l’Organisation a une bonne vision. Par contre, pour les ouvrages, le barrage de Diama est devenu malade, 40 ans après sa construction. Il nécessite une forte réhabilitation. Le barrage de Manantali aussi est dans un état critique. Toutefois, des mesures ont été prises. Les déficits énergétiques des pays augmentent, alors que le potentiel existe. C’est frustrant. Et tout ceci, dans un contexte de nouveaux défis sécuritaires qui font que, par manque d’informations, certains bailleurs croient qu’Al-Qaïda se trouve à la porte de nos Etats et se disent qu’il ne faut pas s’y aventurer. Il y a donc un plaidoyer à faire. Dans toute organisation, après une certaine durée de vie, il y a des réhabilitations à faire. Il faut une remise en question de certaines manières de procéder. L’institution doit se doter d’un outil de référence pour mieux asseoir une bonne gouvernance. Egalement, il nous faut une certification Iso pour convaincre les bailleurs de fonds que nous travaillons en suivant des normes. Il faut tout de même rationnaliser les moyens en essayant de faire le maximum possible sur peu de ressources en les conjuguant. Le plus important n’est pas d’aménager des terres, mais qu’elles soient exploitées rationnellement. L’amélioration de notre façon de faire reste un défi pour la nouvelle équipe.
Qui est-ce qui explique que nos pays ne parviennent pas à assurer l’autosuffisance alimentaire, même partiellement, malgré l’existence des ces vastes surfaces aménagées ?
Le bassin du fleuve Sénégal ne couvre pas tout le Sénégal. 51 % de ce bassin se trouve au Mali, plus de 30 % en Mauritanie, 11 % en Guinée et 10 % seulement au Sénégal. Dans ce genre de situation, il faut identifier la zone que couvre le bassin, savoir quelle est la stratégie de développement agricole du pays dans la zone concernée et faire une gestion harmonieuse et intelligente. Partant de ce constat, on peut voir que la plupart de nos pays ont des politiques agricoles pas des plus expertes. L’agriculture, ce n’est pas que des terres. C’est tout une scène (chaîne) de processus. Il faut des terres, il faut faire l’irrigation, avoir des semences, de l’engrais et du crédit agricole pour acheter des intrants avant la campagne et payer à la fin. Dans la plupart des pays, les intrants ne sont pas souvent disponibles ou bien ils ne sont pas de bonne qualité. C’est la même chose pour les semences. Le calendrier agricole n’est pas parfois maîtrisé par les paysans. En plus de tout cela, il y a les pertes après récolte. 20 à 30 % de la production se perdent. Si l’on n’analyse pas tous ces éléments et si l’on n’a pas une approche systémique de façon à ce que le projet agricole intègre tous ces aspects dans son fonctionnement, le jeu est déjà faussé. Il y a des sociétés agricoles dans toutes les zones que nous avons aménagées. Au Sénégal, il y a la Saed, ce genre de société existe aussi en Mauritanie et au Mali. Ces sociétés nationales sont les interfaces entre nous et les Etats. Dans les nouveaux programmes que nous allons mettre en place, nous allons signer des contrats de performance avec ces sociétés. Il faut que toutes les zones que nous avons aménagées soient suivies de sorte que les éléments énumérés plus haut s’y retrouvent.
La construction de barrages a favorisé la prolifération des plantes aquatiques envahissantes, comme le typha. Existe-t-il des mécanismes pour lutter contre le phénomène ?
La construction du barrage de Diama a eu des effets secondaires importants. Les plantes envahissantes qu’on appelle les typhas ont colonisé la zone du delta. Dans la nature, tout est lié. Dès qu’on touche un aspect, on bouleverse tout l’écosystème. Le typha couvre aujourd’hui plus de 50.000 hectares. Un hectare de typha consomme la même quantité d’eau qu’un hectare de riz. C’est un gâchis énorme. Beaucoup de recherches ont été menées. Il y a deux types de typha, mais l’un est plus résistant. Nous avons expérimenté la lutte biologique en introduisant une espèce venue d’Afrique du Sud qui a mangé une partie du typha moins résistant. Mais l’autre type de typha est, pour le moment, impossible à combattre. Le seul moyen de lutte dont nous disposons, pour l’instant, c’est de couper la plante, mais il régénère. Le typha empêche les populations riveraines d’avoir accès à l’eau, paralysant ainsi les activités de pêche. Il entraîne aussi des maladies puisque sous le typha, prolifèrent beaucoup d’insectes nuisibles. En relation avec des Néerlandais, nous allons assécher certaines zones colonisées par le typha avec des digues et les rendre cultivables. Cela nous permettra d’aménager 4.000 hectares de terres. Cela veut dire que nous allons gagner des superficies sur le typha. Il y a aussi d’autres propositions de valorisation du typha, en en faisant du charbon, par exemple. Mais je ne suis pas trop favorable à cette proposition parce que cela encouragerait à pérenniser le typha. Toutefois, cette végétation aquatique reste un gros problème dans le delta.
Comment se fait-il que l’Omvs ait un potentiel de 1500 MW et que les pays qui la composent connaissent un déficit en électricité ?
La Guinée a rejoint l’organisation seulement en 2006. Le fleuve Sénégal est long de 1.830 km. Il est le plus long de l’Afrique de l’Ouest. Il est composé de trois affluents : le Bafing, le Bakoye et la Falémé qui se déversent tous en Guinée. Le gage essentiel se trouve donc du côté guinéen. L’entrée de la Guinée à l’Omvs a apporté une immense potentialité hydroélectrique. Mais, il fallait étudier tout cela, avoir un dossier bancable pour ensuite aller chercher le financement. En attendant, le bassin, côté malien, a été étudié. Il n’y a pas de site de barrage ni en Mauritanie, ni au Sénégal. Ils se trouvent plutôt au Mali et en Guinée. Le premier site, Manantali, a été déjà exploité. Un deuxième site (Félou) a été identifié, étudié et exploité. Il fait 60 MW et vient d’être inauguré. Gouina, un autre site, a été identifié. Nous venons de poser la première pierre. Ce site doit produire 140 MW d’ici à trois ans et demi. Un quatrième site, Gourbassi, toujours du côté malien, a été étudié. Il devra jouer un rôle de régulateur. Aujourd’hui, le fleuve Sénégal est régularisé à hauteur de 40 %. En créant le site de Gourbassi, nous atteindrons environ 80 %. Un autre barrage avec une capacité en énergie de 25 MW est aussi prévu. L’impact dans l’hydro-agricole et dans l’irrigation sera très important.
Par contre, les sites qui ont un impact et une capacité en énergie les plus importants sont en Guinée, en l’occurrence Koukoutamba qui, à lui seul fait 300 MW. Les deux autres produisent, au total, 300 MW. Rien qu’en construisant ces barrages, nous avons 600 MW du côté guinéen. Mais, ni la Banque mondiale, ni la Banque africaine de développement (Bad), ni un pays occidental ne peuvent financer individuellement ces barrages. Le seul pays qui peut facilement financer un barrage, c’est la Chine. Elle nous a prêté 420 millions de dollars (Ndlr 210 milliards de Fcfa). Il faut développer les autres types de partenariat. Je suis en train de convaincre les Etats en leur disant d’oublier la façon avec laquelle ils ont fait les barrages jusque-là, en leur conseillant de recourir au Partenariat public-privé (Ppp). Avec l’hydro-électricité, on produit l’électricité à 35 FCfa le KW, alors que le thermique coûte, dans nos Etats, entre 100 et 200 FCfa le KW. Il y a un immense écart. Nous n’avons pas besoin d’endetter les Etats pour construire un barrage. Il faut appeler les privés pour le faire. L’essentiel, c’est de s’entendre sur le prix du kilowatt. C’est un travail de sensibilisation que je suis en train de faire en ce moment. En tant que banquier, le montage financier n’est pas un problème pour moi. Mais quand on dirige une organisation dont les gens ont, depuis 40 ans, une certaine façon de voir, il faut essayer de les convaincre un à un.
Les ouvrages de l’Omvs sont-ils bien entretenus ?
Un ouvrage, c’est comme un homme, il a besoin d’être entretenu. Le barrage de Diama, depuis près de 30 ans, n’a pas connu de grande réhabilitation. Trois raisons expliquent cette situation. D’abord, l’eau qui est facturée aux agricultures ne fait pas rentrer beaucoup d’argent, cela ne suffit pas pour assurer l’entretien du barrage. Ensuite, ce n’est pas tout le monde qui paye la facture. Enfin, il y a un problème de gestion rigoureuse de l’argent qui entre. Nous avons prévu de mettre en place un plan drastique de redressement de la Société de gestion et d’exploitation du barrage de Diama (Soged). Nous avons pu négocier un prêt avec la Banque mondiale, dont une partie servira à réparer le dispositif électromécanique du barrage de Diama. Au barrage de Manantali, il y a trois fonds, mais ils ne génèrent pas beaucoup d’argent. Lorsque j’ai pris fonction, j’ai réduit de 25 % le budget de fonctionnement (de l’Omvs). Nous avons aussi contraint les Etats à augmenter les tarifs de 10 %. Nous avons trouvé aussi des fonds de réhabilitation. Cette réhabilitation a commencé depuis deux semaines et c’est pour trois ans.
On parle d’une éventuelle coopération entre l’Omvs et l’Uemoa. Qu’en est-il exactement ?
Parmi les quatre pays de l’Omvs, deux seuls sont membres de l’Uemoa : le Sénégal et le Mali. L’Uemoa à des programmes qui couvrent un certain nombre d’Etats. Nous sommes en train de négocier un programme de partenariat pour que la politique de l’Uemoa dans le domaine énergétique puisse couvrir ces deux Etats de l’Omvs. La même chose est en train d’être négociée avec la Cedeao (la Mauritanie n’est plus membre de la Cedeao, Ndlr) et d’autres organisations.
Où en êtes-vous avec le Système intégré de transport multimodal ?
Le Système intégré de transport multimodal (Sitram) est le projet phare d’intégration type au sein de l’Omvs. Le fleuve était navigable avant, et il y avait des quais. Ce nouveau programme comprend donc deux volets : la navigation sur le fleuve Sénégal et des routes d’accès. La navigation consiste à draguer le fleuve sur 905 km de long et 30 km de large. Nous allons aussi mettre en place une antenne de navigation pour la sécurité et un code de navigation. Nous avons déjà loué deux navires à une société. Maintenant, c’est le financement de la navigation que nous attendons. Il y aura également un port fluviomaritime à Saint-Louis. Au-delà de cela, nous allons faire un port minéralier à Saint-Louis pour débloquer les gisements miniers qui se trouvent des deux côtés, à Matam et aussi à Bogué (Mauritanie). Il y a également du fer au Mali. Si l’on rend le fleuve navigable avec des barges qui peuvent charger ces minerais et les convoyer jusqu’à Saint-Louis, ce sera l’occasion unique pour que ces gisements soient éclatés. Un chemin de fer coûte au moins un milliard de dollars (Ndlr 500 milliards de Fcfa) alors que la navigation coûte au maximum 600 millions de dollars. Réussir ce projet est mon deuxième plus grand défi.
La régularisation du régime fluvial du fleuve a entraîné un rétrécissement de la plaine inondable des cultures de décrue. Avez-vous trouvé une solution à ce problème ?
Nous sommes en train de trouver des solutions. J’ai donné mandat à ce que toutes les semaines, on montre le débit du fleuve pour que chacun voit son évolution. Et c’est en fonction de cette évolution que les cultures doivent se faire en voyant s’il y a de l’alerte d’inondation ou pas. Et à partir de là, nous allons modifier les paramètres de gestion du barrage de Manantali. Quand on dit que le barrage de Manantali produit 850 MW/h, ce n’est pas durant toute l’année. A l’Omvs, tous les trois mois, les usagers de l’eau se retrouvent. Chacun dit la quantité d’eau qu’il souhaiterait avoir. C’est en fonction de cela que nous lâchons l’eau à partir de Manantali. Il y a tout un ensemble de paramètre à prendre en compte. Nous allons imposer à la Société de production de l’électricité de Manantali de lâcher beaucoup plus d’eau pour que ces zones soient inondées. Un barrage comme Gourbassi sur la Falémé peut aussi contribuer à lâcher une quantité d’eau qui s’ajoutera à l’eau de Manantali pour davantage augmenter les surfaces de décrue. C’est un jeu très intéressant qui demande des paramètres qui nécessitent des concertations. Avant, c’était simplement les électriciens qui géraient, mais maintenant, nous avons intégré tout le monde.
Au vu de toutes ces potentialités dont dispose la Guinée, n’est-il pas un paradoxe que ce pays continue toujours d’être frappé par un manque d’électricité ?
Je parle en Guinéen. Ce pays est indépendant en 1958, dans des conditions extrêmement pénibles. La Guinée a ouvert la brèche des indépendances à cette époque en 1958, mais elle en a aussi payé le prix. J’étais directeur de Péchiney, l’enclave minière qui appartenait à la France pendant 10 ans à cette période. C’est cette société qui donnait un peu de revenus à la Guinée. La construction du complexe avait commencé en 1956, la France était surprise lors que la Guinée à demandé son indépendance en 1958. Il était prévu de faire le barrage hydroélectrique et l’usine d’aluminium. Quand la Guinée a pris son indépendance, la France a imposé à la société de ne construire ni le barrage ni l’usine d’aluminium. Le barrage a été construit au Cameroun. Il y avait un potentiel électrique de 15.000 MW que la Guinée n’a pas pu mettre en valeur. Je pense que l’histoire aussi n’a pas favorisé la Guinée. Il n’y a pas que le courant qui manque en Guinée, il manque aussi l’eau. Et pourtant, il pleut quatre mètres d’eau par an à Conakry, alors qu’il n’y a pas d’eau potable dans cette ville.
Le Sénégal avait un programme de revitalisation des vallées fossiles, notamment le canal du Cayor, mais la Mauritanie n’était pas d’accord. Qu’en est-il de ce projet ?
Pour les vallées fossiles, je pense que quand l’information n’est pas bonne, elle provoque souvent des écueils. Il faut un travail d’explication et de persuasion en amont pour que les gens comprennent. C’est tellement facile de détruire, mais tellement difficile de construire. Il y a toujours des gens qui ont intérêt à mettre des obstacles. J’estime que le projet n’a pas été bien expliqué aux Mauritaniens. C’est vrai qu’il y a une importante quantité d’eau jetée dans la mer. Mais je pense que le Sénégal n’a pas reposé le problème depuis.
Les inondations de Saint-Louis sont souvent mises sur le dos des lâchers d’eau de Manantali. Qu’en est-il ?
Contrairement à ce que beaucoup de personnes pensent, ce n’est pas l’eau lâchée par le barrage de Manantali qui cause les inondations. Dans le fleuve Sénégal, il y a deux affluents qui viennent après le barrage : la Falémé et le Bakoye. Les eaux de la Falémé et du Bakoye viennent se jeter dans le fleuve Sénégal après le barrage. Pendant l’hivernage, même si l’eau est pendante à Manantali et que l’eau de la Falémé et du Bakoye continue, il n’y a rien à faire. Malheureusement, on croit que c’est l’eau du barrage qui vient à Saint Louis. Ce n’est pas du tout cela. Si on lâche, dans le fleuve Sénégal, un bout de papier à hauteur de Podor, il fait un mois avant d’arriver à Saint-Louis. Pour vous dire que l’eau coule très lentement. Ce sont les eaux non contrôlées qui viennent se jeter dans le fleuve qui font les inondations en aval. D’où la nécessité de créer des ouvrages de régulation sur ces deux autres branches.
Parmi les idées que vous agitez, il y a le concept « Bassin élargi et diversifié ». Que recouvre cette notion ?
Nous pensons qu’on peut prendre des initiatives qui ont des impacts plus loin dans le bassin ou bien concevoir des activités en dehors du bassin qui ont un intérêt pour les populations. Quand on construisait le bassin, le solaire n’était pas d’actualité. Aujourd’hui, le solaire est devenu quelque chose de très abordable et plus rapide à construire. Dans le bassin, il existe des zones où il y a de l’espace. On peut concevoir, dans ces endroits, des centrales solaires connectées sur notre réseau. Il faut encourager des initiatives privées allant dans ce sens. Mais, il faut persuader petit à petit les gens en leur disant que nous nous battons contre les déficits énergétiques, il y a des solutions scientifiques. Au lieu que chacun essaie de faire son petit solaire, l’Omvs peut encourager trois à quatre sociétés privées à le faire. L’autre chose, c’est de développer la pisciculture dans les lacs que nous avons ou bien sur les affluents des fleuves. C’est ce qu’on appelle bassin énergie diversifiée.
Quels sont les termes du contrat Sogem-Eskom qui couvre une période de dix ans ?
Quand le barrage de Manantali a été construit au départ, ce n’était pas pour produire de l’électricité. Mais les concepteurs ont été intelligents en faisant des réservations. Dix ans après, quand les Etats ont décidé de produire de l’électricité, ils se sont approchés des bailleurs de fonds occidentaux qui étaient réticents au départ. Ce sont les fonds arabes qui ont aidé à faire les premiers barrages. C’est par la suite que les Occidentaux ont décidé de se lancer mais en posant la condition de création d’une société spéciale qui va gérer les barrages. C’est ainsi que la Sociétés de gestion de l’énergie de Manantali (Sogem) a été créée pour gérer le barrage de Manantali. Ils voulaient avoir la garantie que ces sociétés vont facturer et encaisser l’argent pour les rembourser. Ils avaient aussi posé comme condition qu’il y ait un gestionnaire du barrage. Un appel d’offres avait été lancé pour trouver un gestionnaire du barrage. La société sud-africaine Eskom a été retenue. Quelques années après, cette société s’est rendue compte que ses prestations étaient supérieures à sa rémunération. Alors, elle a demandé à réviser le contrat. Ce que la partie Omvs avait refusé et cette société a voulu se retirer. Le Sénégal, qui avait de bonnes relations avec l’Afrique du Sud, est intervenu pour que nous renégociions le contrat sur une base beaucoup plus correcte en mettant en place un contrat intérimaire. Nous avons pu régler certains problèmes soulevés par le gestionnaire.
Par lesoleil (Sénégal)