Monsieur le Président
Madame la Présidente de la Commission,
Chers collègues
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Ma délégation voudrait d’emblée se féliciter de la tenue de cette session consacrée à la grave crise sanitaire qui sévit sur notre continent.
En effet, depuis le mois de mars 2014 une épidémie hémorragique à virus Ébola sans précédent a fait son apparition en Guinée et s’est vite répandue à la Sierra Léone, au Libéria et au Nigéria. A nouveau, l’épidémie s’est déclarée en République Démocratique du Congo.
La convocation d’une session d’urgence sur cette brûlante question revêt donc une grande importance même si nous pensons qu’elle aurait dû intervenir beaucoup plus tôt, en raison de ses nombreuses incidences directes sur la vie des populations affectées et des pays touchés.
Au moment où je m’adresse à vous, plusieurs milliers de personnes ont été atteintes de la fièvre à virus Ébola et plus de 2000 de nos concitoyens parents et amis ont déjà perdu la vie.
Cette épidémie, déclarée par l’organisation Mondiale de la santé comme l’une des plus meurtrières continue de se propager particulièrement dans la sous région Ouest Africaine. Comme vous le savez, trois États de l’Union du Fleuve Mano sont les plus touchés, à savoir, le Libéria, la Sierra Léone et la Guinée.
Son Excellence le Professeur Alpha Condé, Président de la République de Guinée qui assume actuellement la présidence en exercice de l’Union du Fleuve Mano, a convoqué le 1er Août dernier à Conakry un sommet extraordinaire des quatre Chefs d’États Membres (Libéria, Siéra Léone, Côte D’Ivoire et Guinée) en vue d’adopter des mesures communes pour faire face à l’épidémie et endiguer sa propagation.
Au plan interne, il a décrété également la Déclaration d’Urgence Sanitaire Nationale pour l’adoption de mesures robustes de prévention.
L’impact négatif de la fièvre Ébola sur nos économies se manifeste déjà par le ralentissement des échanges commerciaux, la baisse de la productivité ainsi que par le recul des activités dans plusieurs autres secteurs comme les transports, les investissements et le tourisme.
Au stade actuel, la Guinée a subi une perte de près de 1,5% du taux de croissance de son PIB.
Il faut ajouter à cela d’autres conséquences liées à la fermeture des frontières, la suspension des vols ainsi que la stigmatisation des ressortissants des pays affectés.
Il est regrettable en effet de constater, qu’en dépit des mesures drastiques de contrôle sanitaire prises par les autorités pour les passagers au départ de l’aéroport de Conakry et des recommandations pertinentes de l’OMS et de L’IATA, seules les compagnies africaines ont cessé leurs activités.
Faisant confiance en ces mesures de contrôle et qui ont fait leur preuve, les compagnies aériennes comme Air France, SN Bruxelles et Royal Air Maroc, ont maintenu leurs fréquences de rotations vers la Guinée.
Plusieurs autres pays africains ont pris des mesures de fermeture de leurs frontières aériennes et maritimes à l’égard des pays atteints par l’épidémie, et limitent ou refusent l’accès sur leur sol aux ressortissants de ces pays sans tenir compte de leurs lieux de résidence. Le comble est que même des ambassadeurs accrédités auprès de certains pays africains et qui se trouvaient à Conakry soit en consultation ou en congés ne peuvent plus regagner leurs postes.
Tous les pays voisins ont fermé leurs frontières terrestres, maritimes et aériennes avec mon pays, à l’exception de la république du Mali qui a maintenu les mouvements des personnes et des biens entre les deux pays, sans pour autant que le pays ait été atteint à ce stade. Un autre pays africain, le Royaume du Maroc accueillera demain 9 septembre à Casablanca, un important forum économique entre les milieux d’affaires marocains et une centaine d’hommes et de femmes d’affaires guinéens arrivés de Conakry. Ces deux pays montrent ainsi un bel exemple de fraternité et de solidarité.
Au moment où l’Afrique cherche à consolider le socle de l’Union de ses Etats, des mesures concertées devraient être prises pour renforcer le pacte de fraternité et de solidarité devraient inspirer les autres États africains.
Au moment où l’Afrique cherche à consolider le socle de l’Union de ses États, des mesures concertées devraient être prises pour renforcer le pacte de fraternité qui a façonné et soutenu le destin commun de ses peuples.
La guinée s’honore depuis son indépendance, d’avoir toujours manifesté et de manière inconditionnelle une grande solidarité avec toutes les causes africaines, même très souvent au détriment de ses intérêts nationaux, comme en témoigne sa contribution exceptionnelle à la libération et à l’unité du continent.
Aujourd’hui encore malgré nos propres difficultés à faire face à l’épidémie, l’expérience acquise par nos services de santé dans la gestion de la fièvre Ébola a été capitalisée et mise à la disposition de nos frères du Libéria et de la Sierra Léone, deux pays fragilisés par les conséquences d’une longue guerre civile.
Permettez moi à ce stade d’exprimer notre sincère gratitude à la France, aux États Unis d’Amérique, à la Fédération de Russie, à la Chine à l’organisation Mondiale de la Santé (OMS), au Center of Dease Control of Atlanta (CDC), à l’Organisation Médecins Sans Frontières (MSF) ainsi qu’aux autres partenaires pour leur précieuse assistance durant cette épreuve.
Je voudrais ici lancer un appel à tous les États africains, pour qu’ensemble dans cette difficile épreuve, nous manifestions plus d’empathie pour venir à bout de cette pandémie qui constitue une menace à la sécurité du continent. Une action concertée de toute l’Afrique est nécessaire en ces moments difficiles que traversent certains de ses membres.
Monsieur le Président,
Madame la Présidente de la Commission,
Lors de la dernière retraite du Conseil exécutif en janvier dernier à Bahir Dar, Mme Zuma, notre présidente a partagé avec nous l’émouvante lettre écrite par un jeune africain en 2063. Cette belle image de l’Afrique réunifiée présentée par ce jeune africain nous a tous tant enthousiasmé qu’unanimement nous avons recommandé que le contenu de cette lettre soit porté à l’attention des Chefs d’États et de Gouvernement et l’accueil de nos dirigeants fut tout aussi enthousiaste.
Mais avec l’apparition de cette épidémie à virus Ébola et les mesures protectionnistes prises par les États africains, sommes-nous en droit aujourd’hui de croire que ce rêve d’union se réalisera à l’horizon 2063 ? N’est-il pas inquiétant de constater que face à une première grande épreuve nos États se referment sur eux-mêmes, abandonnant ainsi d’autres frères en difficultés ? Loin de nous l’idée de faire du sentimentalisme face à un défit dont la solution dépendant avant tout des avancées de la connaissance, mais plus de cinquante années après la création de notre Organisation est-il acceptable que l’Afrique ne dispose pas d’un seul laboratoire de recherche susceptible de prendre en charge les multiples challenges auxquels elle est confrontée et qu’à la moindre alerte il faille se tourner vers l’extérieur du continent ?
Autant de questions qui méritent de retenir notre attention. Ne cédons pas à la panique, l’Afrique doit s’assumer. Nos peuples ont toujours été unis. Nos dirigeants ont l’obligation de suivre cet élan de solidarité qui a toujours caractérisé les africains et que les autres continents nous envient tant.
Ne nous trompons pas : la bataille contre l’épidémie à virus Ébola représente un test pour notre vocation à bâtir une Afrique unie et solidaire telle que rêvée par nos pères fondateurs. Dans ce sens, cette bataille devrait mobiliser tous les spécialistes et épidémiologistes que compte le continent. La victoire est à ce prix. Il nous sera ainsi plus facile de mutualiser nos ressources et nos efforts car, il faut bien qu’on se le dise, la marche vers l’unité du continent sera encore jalonnée de plusieurs autres écueils. Et nous devons apprendre à les traverser et à les transcender Ensemble.
La matérialisation du rêve de l’avènement de l’Afrique réunifiée à l’horizon 2063 commence aujourd’hui.
Engageons nous dès maintenant pour le plus grand bien des peuples africains.
Je vous remercie de votre bienveillante attention.
François Loncény Fall, Ministre des Affaires étrangères