Poursuivi par la CPI, impopulaire chez lui, fragilisé par la partition du pays… Omar el-Béchir s’est bien gardé de célébrer les 25 ans de son accession au pouvoir. On le comprend.
Pas de meeting, pas de discours… Le 30 juin, jour anniversaire de son coup d’État, le président Omar el-Béchir est resté chez lui. Signe sans doute que le Parti du congrès national ne veut pas afficher ses divisions au grand jour. Parmi tous les compagnons qui ont aidé l’officier parachutiste à prendre le pouvoir il y a vingt-cinq ans, il ne reste guère que le général Bakri Hassan Saleh, son vieux frère d’armes, devenu vice-président en décembre 2013.
L’idéologue Ali Osmane Taha, numéro deux du régime pendant quinze ans, a été mis sur la touche, tandis que l’autre leader islamiste, Ghazi Salahadine, vient de perdre son siège de député.
Fini le temps où les discours anti-impérialistes d’El-Béchir enflammaient les foules. Aujourd’hui, à défaut d’un soutien populaire, le régime soudanais s’appuie sur deux milices redoutables : à Khartoum, le National Intelligence and Security Service (NISS) ; au Darfour et dans les monts Nouba, les Rapid Support Forces (RSF), le nouveau nom des Janjawid de sinistre mémoire.
C’est en septembre 2013 que l’impopularité du régime est devenue criante. Dans la capitale, des émeutes contre la vie chère ont éclaté, les forces de l’ordre ont tiré à balles réelles. Bilan : 212 morts, selon plusieurs sources concordantes. À l’origine de cette désaffection, la partition de 2011. Cette année-là, le Soudan du Sud est devenu indépendant. Depuis, Khartoum a perdu 75 % de ses revenus pétroliers et la livre soudanaise a été dévaluée de 60 %. Le gouvernement ne peut plus maintenir les subventions sur le carburant.
Autre mauvaise nouvelle pour El-Béchir : en juin 2013, les Frères musulmans ont perdu le pouvoir en Égypte.
Autre mauvaise nouvelle pour El-Béchir : en juin 2013, les Frères musulmans ont perdu le pouvoir en Égypte. Avec Mohamed Morsi, le courant passait bien. Avec Abdel Fattah al-Sissi, le nouveau raïs, beaucoup moins. Reste l’allié qatari, dont les pétrodollars soutiennent le régime à bout de bras.
El-Béchir, ou le pouvoir comme bouclier
En avril 2015, tout laisse penser qu’El-Béchir, 70 ans, se représentera à l’élection présidentielle. Pour une raison simple : depuis 2009, il est inculpé par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité au Darfour. S’il perd le pouvoir, il peut craindre que son successeur ne le livre au tribunal de La Haye afin de rompre l’isolement du Soudan et de faire lever les sanctions américaines, qui coûtent cher au pays.
En janvier dernier, pour essayer de reconquérir l’opinion, El-Béchir a appelé l’opposition à un "dialogue national". Sadek al-Mahdi, l’homme qu’il avait renversé en 1989, a dit : pourquoi pas ? Mais en mai, l’ancien Premier ministre, 78 ans, s’est retrouvé en prison pour avoir dénoncé les exactions des Rapid Support Forces. Il n’a été libéré qu’au bout d’un mois. Pour la démocratie, le Soudan devra encore attendre un peu.
CPI : l’union africaine contre-attaque
La Cour africaine de justice et des droits de l’homme sera-t-elle une machine de guerre contre la Cour pénale internationale (CPI) ? C’est ce que craignent Amnesty International et la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho). Lors du 23e sommet de l’Union africaine, fin juin à Malabo, les chefs d’État ont voté en faveur d’une modification du statut du futur tribunal, afin d’immuniser les dirigeants pendant la durée de leur mandat contre toute poursuite devant cette juridiction.
"Pour nous, Africains, c’est une fierté d’avoir bientôt une cour, mais nos présidents essaient de la vider de sa substance", déplore Aboubacry Mbodj, de la Raddho. Les chefs d’État soupçonnés de crimes graves, comme Omar el-Béchir, pourront-ils s’abriter derrière ce tribunal pour échapper à la CPI ? "Non, la justice fonctionne sur le principe de la complémentarité, répond Pape Ibrahima Kane, de l’ONG Open Society. Si une juridiction régionale ne veut pas ou ne peut pas juger un criminel, la juridiction internationale peut toujours intervenir."

JA

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