Moins touché que le Liberia et le Sierra Leone, le pays espère maîtriser l’épidémie d’Ebola. Un objectif que ses frontières poreuses et son territoire mal contrôlé rendent difficile à atteindre.
Le fléau s’est abattu au mois de juillet, avec un voyageur venu du Liberia. Malade, celui-ci cherchait l’aide d’un féticheur dans le village de N’zénié, situé à quelques kilomètres de la frontière. L’homme n’a pas survécu. Ni le féticheur, après lui. Ni la famille de ce dernier. Au total, selon Foromo, un homme de 30 ans originaire du village, cette réaction en chaîne a fait plus de 85 morts, sur quelques centaines d’habitants.
Les autorités guinéennes ne confirment ni n’infirment ce bilan. Les statistiques officielles (648 morts et 1 074 cas détectés, selon le Centre pour le contrôle et la prévention des maladies américain) ne reflètent d’ailleurs qu’une partie de la réalité. En effet, dans cette région frontalière, l’accès à certaines localités reste bloqué par des "milices d’autodéfense" qui nient l’existence de la maladie. Milices qui ont lynché, mi-septembre, huit membres d’une délégation de sensibilisation à Wome.
En juillet, la Guinée, moins atteinte que la Sierra Leone et le Liberia voisins, avait pourtant pu se croire presque tirée d’affaire. Mais depuis la mi-août, le constat s’est assombri. "Avec treize des trente-trois préfectures touchées, nous avons de plus en plus de nouveaux cas, explique Marc Poncin, directeur des opérations en Guinée pour Médecins sans frontières. À l’hôpital Donka de Conakry, nous avions en moyenne entre cinq et quinze patients en avril. Ils sont aujourd’hui entre 35 et 40."
Sékouba Keïta, chargé de la lutte contre le virus pour le gouvernement guinéen, se veut plus optimiste : "Seules cinq préfectures ont de nouveaux cas tous les jours. Nous pouvons donc encore espérer arrêter la progression d’ici à décembre."
Une coordination entre les trois gouvernement
Mais, comme le montre l’exemple de N’zénié, il sera très difficile pour la Guinée de s’en sortir tant que l’épidémie progressera chez ses voisins. "La plupart des nouveaux foyers en Guinée sont causés par des voyageurs qui viennent de Sierra Leone et du Liberia", explique Marc Poncin. Bien qu’officiellement fermées (sauf aux humanitaires), les frontières demeurent poreuses.
Cette situation nécessiterait une coordination entre les trois gouvernements – et leurs partenaires respectifs. Mais on en est encore loin à ce jour. Ainsi, l’ouverture d’un nouveau centre de traitement à Macenta, annoncé par le président français, François Hollande (lequel a reçu son homologue guinéen Alpha Condé le 29 septembre à Paris), n’a pas vocation à accueillir des patients venus du Liberia, pourtant distant d’une trentaine de kilomètres. "Ils vont recevoir l’aide des Américains, rappelle Sékouba Keïta. Nous espérons que ce soutien permettra à Monrovia de contenir la maladie de son côté."
Une économie souffreteuse
L’économie guinéenne pâtit, elle aussi, d’Ebola. Ses prévisions de croissance pour cette année passent de 4,5 % à 2,4 %. Le secteur stratégique des mines, normalement gourmand en expatriés, devrait particulièrement en souffrir. Le commerce, les transports, le tourisme et la productivité sont aussi touchés, comme l’a détaillé le président, Alpha Condé, à la tribune de l’ONU fin septembre.
Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale ont approuvé des dons de respectivement 140 et 105 millions de dollars (110 et 83 millions d’euros), à répartir entre Conakry, Freetown et Monrovia. De quoi aider à compléter un budget qui doit faire face à de nouvelles dépenses de santé.
JA