Le président de la Guinée, Alpha Condé, a défendu cette semaine à Genève la décision de son pays d’annuler des centaines de permis d’exploitation minière, dont ceux détenus par un groupe contrôlé par un milliardaire franco-israélien qui fait l’objet d’une enquête pour corruption.
"Nous avons décidé de faire la revue de tous les permis. Donc ceux qui sont en situation normale, on continue et on ratifie. Ceux qui ne remplissent pas les conditions, on leur donne un délai pour se mettre en règle. Ceux qui sont totalement hors jeu, on retire", a déclaré le dirigeant agé de 76 ans lors d’un passage à Genève, important centre mondial de négoce des matières premières.
Le minerai de fer est un matériau très demandé dans un contexte de forte demande des économies émergentes telles que la Chine et les droits miniers s’arrachent sur les marchés internationaux.
Après son élection en 2010, après des années de combat politique comme leader de l’opposition, prisonnier et exilé, Alpha Condé a lancé une remise à plat de tous les permis d’exploitation minière accordés sous la junte de son prédécesseur Lansana Conté (1984-2008).
La Guinée, un pays d’Afrique occidentale doté d’un riche sous-sol est le premier producteur mondial de bauxite, utilisé pour la production de l’aluminium, et possède aussi des mines de diamants, d’or et d’uranium.
– 800 permis retirés –
La principale victime des retraits est le consortium VBG formé en 2010 par le géant minier brésilien Vale et BSG Resources (BSGR), bras minier du groupe du diamantaire franco-israélien Beny Steinmetz, résidant à Genève.
En avril dernier, VBG a perdu la concession des montagnes Simandou, un massif dont les réserves en minerai de fer son estimées à 2,25 milliards de tonnes. Le retrait de permis fait suite à des soupçons de corruption pesant sur BSGR, ce que le groupe dément vigoureusement, et qui ne concernent pas Vale selon la Guinée.
Pour le président Condé, il ne s’agit que d’un cas parmi d’autres car, au total, 800 permis ont été retirés.
"Nous avons retiré des permis dans le domaine du fer, de la bauxite, de l’or et des diamants," a-t-il précisé.
Le but est de mobiliser les ressources de son pays, qui compte 10 millions d’habitants.
"Nos richesses ne nous ont servi à rien, cela a été plutôt une malédiction. Maintenant il faut que ces richesses deviennent une bénédiction. Il nous faut une coopération gagnant-gagnant avec les sociétés minières", a-t-il dit.
"Ce que est vraiment scandaleux dans le cas de la Guinée, c’est que vous avez des gens qui prennent des permis, et qui gagnent de l’argent en Bourse en jouant sur les permis", a-t-il ajouté.
– 14 fois la mise –
A l’origine, les quatre concessions de Simandou étaient détenues par le géant anglo-australien Rio Tinto. En 2008, sur injonction du régime Conté, il a été obligé d’en rendre deux, qui ont été attribuées à BSGR.
Selon BSGR, Lansana Conté a pris cette décision parce que Rio Tinto, en pleine restructuration, avait négligé le développement de Simandou. Mais l’accord, signé sur le lit de mort de l’homme qui avait dirigé le pays pendant 24 ans a suscité des interrogations.
Les Guinéens ont été scandalisés d’apprendre que BSGR, qui avait payé 170 millions de dollars, a revendu deux ans plus tard la moitié de ses droits à Vale pour un prix 14 fois supérieur.
Les soupçons de corruption ont conduit Alpha Condé à lancer une remise à plat des permis il y a deux ans.
Le comité officiel de réexamen des permis miniers, qui a utilisé des preuves fournies par le FBI américain, a conclu en avril que BSGR avait utilisé des intermédiaires pour payer des pots-de-vin d’au moins 3 millions de dollars à l’épouse de Lansana Conté, Mamadie Touré.
BSGR a vigoureusement rejeté ces accusations, accusant à son tour le gouvernement guinéen de s’appuyer "sur des affirmations inventées, des témoins douteux et des procédures illégales". BSGR a aussi accusé Alpha Condé d’avoir mis un point un "plan soigneusement orchestré" pour récompenser ses alliés politiques en leur donnant des droits miniers.
Alpha Condé a rejeté en bloc toutes ces accusations.
"Après une longue enquête notamment aux Etats-Unis et en Suisse, le comité a proposé le retrait des permis et c’est ce que nous avons fait", a-t-il dit. "Nous avons constaté que Vale, d’après toutes les enquêtes, non seulement n’était pas mêlé à la corruption, mais ignorait les conditions d’acquisition".
Vale de son côté s’est retourné contre son ancien partenaire BSGR auquel il demande 1,1 milliard de dollars de dommages et intérêts devant un tribunal d’arbitrage à Londres, selon le journal suisse Le Temps
AFP